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Comment les Etats-Unis reprirent l'aide militaire à Duvalier.

category amérique centrale / caraïbes | impérialisme / guerre | presse non anarchiste author Monday April 15, 2013 17:59author by Kim Ives Report this post to the editors

Des câbles exhumés par Wikileaks révèlent.

C'est une avalanche d'indignation qui remonte contre Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier au moment où il se trouve assis au banc des accusés d'un tribunal haïtien, accusé de crimes contre l'humanité au cours de ses 15 ans de règne. Toutefois, le gouvernement américain est étrangement et complètement silencieux là-dessus. Un trésor fait de 40 ans de câbles, nouvellement mis à jour par WikiLeaks, contribue à expliquer pourquoi.

Vers minuit, aux premières heures du matin du 23 juillet 1973, un incendie éclata dans l'arsenal bourré d'armes du palais national du dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier.

Presque immédiatement, le «président à vie» Duvalier et son chef d'état-major, le général Claude Raymond, téléphonèrent au chef adjoint de mission à l'ambassade des Etats-Unis, Thomas J. Corcoran, pour lui parler de l'incendie et demander de l'aide américaine pour l'éteindre.

La destruction de la large cache d'armes d'Haïti devint, dans les jours suivants, l'excuse parfaite pour reprendre la vente d'armes militaires, ainsi que l'aide militaire assortie d'entraînement, à la dictature des Duvalier, vente interrompue pendant les années 1960 sous le régime de triste notoriété de François «Papa Doc» Duvalier.

Haïti Liberté a pu reconstituer une image claire de ce moment historique capital grâce à un nouveau site établi par WikiLeaks appelé Bibliothèque publique de la diplomatie américaine ou PlusD. Le site permet la recherche de plus de 1,7 millions de câbles du Département d'Etat de 1973 à 1976 qui avaient été déclassifiés et stockés dans la US National Archives, mais qui étaient en fait inaccessibles à cause de la forme sous laquelle ils étaient gardés.

Haïti Liberté est l'un des 18 partenaires médiatiques à travers le monde auxquels Wikileaks a donné accès exclusif au motif de recherche Plus D au début de Mars, avant son inauguration ce 8 avril. Cet article est l'un de plusieurs qu'Haïti Liberté compte présenter sur la base des câbles des années 1970.

« Le général Raymond et le président Duvalier m'ont téléphoné à 0245 [02:45] pour signaler un incendie au Palais National et demander des extincteurs qui ont été envoyés», a expliqué Corcoran dans un câble confidentiel le 23 juillet 1973. « À à peu près 0325, le ministre des Affaires étrangères [Adrien] Raymond m'a informé que l'incendie se propageait dans l'entrepôt de munitions, y compris des armes légères et des munitions d'artillerie, et qui échappait au contrôle des installations locales de lutte contre l'incendie ».

Les Etats-Unis ont immédiatement déployé une équipe de neuf pompiers militaires de sa base navale de Guantanamo Bay, à Cuba. Ils « sont intervenus sans se préoccuper de leur sécurité personnelle en luttant contre l'incendie dans une zone où une grande variété de munitions explosives avaient été entreposées et exposées à une chaleur intense sur une période d'heures », selon ce que Corcoran a écrit dans un câble du 27 juillet 1973 faisant l'éloge de leur bravoure.

Le 24 juillet 1973, le jour suivant immédiatement l'incendie, le ministre des Affaires étrangères Raymond a « convoqué » Corcoran et « [lui a] présenté une liste des munitions et des mortiers que le GOH [le Gouvernement d'Haïti] désire acheter d'urgence pour "le maintien de la paix publique, la tranquillité des familles et de la protection des biens" ».

Adrien « sur instructions du Président Jean-Claude Duvalier » a présenté une requête pour des millions de balles pour l'armée d'Haïti. Parmi les quantités les plus importantes sur la longue liste, il y avait 1,5 million de balles calibre 30 pour des fusils M-1, 800,000 balles 50 mm pour des mitrailleuses, 600.000 balles 5,56 mm pour des fusils automatiques M-16, et 400.000 balles 9 mm pour les pistolets-mitrailleurs Uzi. Duvalier voulait aussi des dizaines de mortiers et des dizaines de milliers d'obus pour mortier.

L'armée haïtienne n'avait jamais fait la guerre contre aucun ennemi à part le peuple haïtien. Néanmoins, Corcoran et l'attaché militaire de l'ambassade des Etats-Unis qualifièrent la liste de « raisonnable » et ont « fortement recommandé l'approbation de la vente », selon le câble.

Pendant les semaines suivantes, la liste de la commande militaire d'Haïti allait en s'allongeant, car non seulement il y avait demande pour plus de munitions, mais aussi pour des armes et plus de fournitures, y compris des armes de poing de calibre 38 et 45, des fusils M-1, des carabines M-2, des mitrailleuses de 30 mm et 50 mm, des mortiers de 60 et 81 mm, des lance-grenades, des cartouchières, et des clips de munitions de grande capacité.

Le 25 juillet 1973, Corcoran a envoyé un autre câble confidentiel où il a encouragé les départements d'État et de la Défense à « prendre des mesures le plus rapidement possible », à faire un « effort extraordinaire pour accélérer le traitement de la paperasse» et à répondre favorablement à la demande de Duvalier parce que, entre autres raisons, « le gouvernement haïtien est prêt à payer pour ses besoins, et il n'y a aucune raison pour que les États-Unis n'obtiennent pas la vente ». (Peu de temps auparavant, Haïti avait acheté des armes en provenance d'Israël et de la Jordanie, ainsi que de « marchands privés d'armes se vendant rapidement (" fast-buck") », selon Corcoran.

En outre, la « demande [de Duvalier] semble être une excellente occasion de renforcer encore plus l'influence américaine auprès du Gouvernement haïtien ... et de gagner les bonnes grâces des différents officiers de l'armée haïtienne », a écrit Corcoran dans le câble.

Les États-Unis avaient réduit l'aide militaire et les ventes à Haïti après que François Duvalier eut expulsé une mission des Marines américains du pays en 1963. Mais après la mort de Papa Doc en Avril 1971, son fils «Baby Doc» héritant de la «présidence à vie» commença à réparer et à améliorer les relations avec les Etats-Unis, dont il voulait de l'aide et des investissements.

En effet, la vente fut approuvée et le Gouvernement haïtien « livra à l'Ambassade [des États-Unis] le 19 septembre 1973 un chèque au numéro 163211 tiré sur la Banque Nationale de la République d'Haïti, daté du même jour, à l'ordre de USAFSA [Forces Armée des Etats-Unis en Amérique du Sud] au montant de $ 273,411.40 », a écrit Corcoran dans un câble du 19 septembre 1973. La vente équivaudrait à plus de $ 1,4 millions de dollars en 2013.

Néanmoins, les Etats-Unis étaient préoccupés par les apparences, et Corcoran a écrit dans un câble du 17 août 1973 que « aucune, je répète aucune livraison d'avion de l'USG [US Gouvernement ] n'est envisagée ». Finalement, les armes et des munitions sont arrivées par deux vols charters de la Pan Am le 26 septembre et le 1er octobre 1973, c'est ce que montrent les câbles.

Vers la même époque, l'ambassade américaine était également en train de négocier avec le régime la vente de six « voitures commando blindées de la marque Cadillac-Gage », dont deux seraient utilisées par les Léopards, une unité d'élite de contre-insurrection de l'armée haïtienne.

Les États-Unis voulaient procéder à la vente de seulement quatre voitures, dont une demande avait été faite en juin, avant le feu au dépôt d'armes. L'ambassade voulait en finir avec la vente des deux autres, mais Duvalier avait menacé de mener ses affaires ailleurs, à savoir avec les Français, ce que Corcoran a expliqué dans un câble du 31 août 1973. Il a recommandé que les Départements « d'Etat / Défense répondent gentiment à la menace implicite de transférer la commande à une société française parce que les débours financiers de ce genre à une société française au moment où les Etats-Unis donnent une aide économique à Haïti pourraient soulever toutes sortes de questions ».

L'aide militaire allait être reprise durant cette période. « L'ambassade peut comprendre l'exclusion d'Haïti à partir de la liste des pays admissibles à l'aide à la formation militaire dans les années 1960, en raison de la situation politique prévalant à ce moment-là », a fait valoir Corcoran dans un câble du 23 novembre 1973. « Cependant, les temps ont changé en Haïti. Le pays dispose d'un nouveau, jeune président allant dans des directions nouvelles, positives ». Il a affirmé que « dans les dernières années, la répression a été nettement et réellement assouplie en Haïti » et que le gouvernement faisait preuve de « modération politique » et d'« un désir clair de faire plus pour le développement économique du pays ».

Plus important encore, « dans les organisations internationales, le nouveau gouvernement en Haïti a été un fiable et bon ami des Etats-Unis, pour ce que cela vaut », a écrit Corcoran. « Toutes ces tendances sont positives, il nous semble qu'elles devraient être encouragées ».

C'est « pourquoi nous croyons que l'aide pour une formation militaire à Haïti est tout à fait dans nos intérêts », parce que, entre autres choses, il a fourni « la possibilité d'établir une certaine influence sur toute une génération de jeunes officiers militaires haïtiens qui ne savent rien des Etats-Unis ».

« En somme », a conclu Corcoran, « il semble illogique que Haïti ... doive toujours être totalement exclue des programmes subventionnés de formation dont ont bénéficié presque toutes les autres nations de l'hémisphère pendant de nombreuses années - formation qui contribuera de manière substantielle à l'avancement d'un certain nombre de nos intérêts importants dans la région ».

En effet, l'aide militaire américaine a été reprise, en particulier pour former des unités comme les Léopards, décrite par la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens dans un rapport de 1986 comme « particulièrement brutale quand elle a affaire avec des civils ».

Le chercheur Jeb Sprague explique dans son nouveau livre « Para-militarisme et l'Assaut sur la démocratie en Haïti » que les Léopards ont été formés et équipés « par d'anciens instructeurs marins américains qui travaillaient dans une société (Aerotrade international et Aerotrade Inc) sous contrat avec la CIA et approuvée par le Département d'État américain. Baby Doc lui-même a été formé avec les Léopards, établissant des liaisons particulièrement étroites avec certains membres de la force. Un attaché militaire américain s'est vanté que la création de la force avait été son idée. Le PDG d'Aerotrade, James Byers, interviewé devant caméra, a expliqué qu'il n'avait "aucune difficulté à exporter des quantités massives d'armes. Le Département d'Etat approuvait les licences, et la CIA avait des copies de tous les contrats. Des armes M-16 entièrement automatiques, des milliers et des milliers de munitions, patrouilleurs, avions T-28, hélicoptères Sikorsky. Des mitrailleuses de calibre 30. Des mitrailleuses de calibre 50. . Mortiers. Des canons à tir rapide de 20mm. Transporteurs de troupes blindés". Une poignée de vétérans de cette force servirait plus tard, par intervalles, comme des figures clés dans diverses forces paramilitaires » que les Etats-Unis avaient l'habitude d'utiliser pour réaliser et maintenir les coups d'Etat contre les gouvernements du président Jean-Bertrand Aristide en 1991 et 2004.

Jean-Claude Duvalier, qui est rentré en Haïti en Janvier 2011 d'un exil doré de 25 années en France, est désormais techniquement en résidence surveillée en Haïti. Une cour d'appel reçoit les témoignages et les dépositions des témoins à charge que Duvalier doit être jugé pour crimes contre l'humanité. Les groupes de défense des droits de l'homme haïtien et internationaux ont documenté des centaines d'exécutions et emprisonnements extrajudiciaires et la torture sous le régime de 15 ans de Baby Doc de 1971 à 1986. En Janvier 2012, le juge d'instruction Jean Carves a rejeté les accusations des crimes de droits de l'homme contre Duvalier, faisant valoir que le délai de prescription avait expiré. La cour d'appel peut annuler cette décision.

Environ 7.000 des 1,7 million de câbles diplomatiques secrets de 1973 à 1976 concernent Haïti. Les câbles « ont été examinées suite au processus de dé-classification systématique du Département d'État américain au bout de 25 ans »; c'est ce que WikiLeaks explique sur son site PlusD. Les câbles ont ensuite été « soit déclassifiés ou conservés classés avec tout ou partie des métadonnées enregistrés déclassifiés », puis « l'objet d'une évaluation par le National Archives and Records Administration (NARA) ». Ces câbles sont déclassifiés puis « ont été placés dans des documents PDF aux Archives nationales dans le cadre de leur politique de fichier central de collecte des Affaires étrangères ».

Toutefois, les câbles sous leur forme PDF « sont en fait assez difficile d'accès pour le grand public », a expliqué Kristinn Hrafnsson, un porte-parole de WikiLeaks et un ancien journaliste d'investigation islandais, à Democracy Now le 8 avril. « Il est très difficile d'y accéder. Donc, à notre avis, l'inaccessibilité et la difficulté d'y accéder sont une forme de secret ... donc nous avons trouvé qu'il était important de le rendre à la population en général dans une bonne base de données consultables».

Après 25 ans, les documents américains classés sont censés être examinés et déclassifiés chaque année. Le public devrait donc être en mesure de voir des documents classifiés aussi tard que 1988. Cependant, le processus de dé-classification n'a été fait que jusqu'en 1976, ce qui signifie qu'il est en retard de 12 ans.

Une autre raison pour laquelle WikiLeaks a créé la base de données PlusD, c'est parce que « il ya eu une tendance dans la dernière décennie et demi à inverser la politique préalablement déclassifiée », a expliqué Hrafnsson. « Une politique énoncée, par exemple, par Clinton dans le milieu des années 90 a été inversée, quelques années plus tard, sous l'administration Bush. Il a été révélé en 2006, par exemple, que plus de 55.000 documents qui étaient précédemment disponibles ont été reclassés sur demande de la CIA et d'autres agences. Et il est connu que ce programme s'est poursuivi au moins jusqu'en 2009. Donc, c'est très inquiétant que le gouvernement commence en fait à remettre sous le voile du secret ce qui était disponible auparavant ». La base de donnés de Plus D ne peut pas être ainsi saisie pour être remise à nouveau sous le voile du secret.

Les câbles de 1973 à 1976 couvrent la période pendant laquelle l'infâme secrétaire d'Etat Henry Kissinger était en poste pendant la présidence et de Richard Nixon Richard et de Gerald Ford. Wikileaks a donc surnommé la trouvaille «Câbles Kissinger». (Après avoir quitté son poste, Kissinger et son épouse ont visité Duvalier en Haïti.)

En 2011, WikiLeaks a fourni à Haïti Liberté en exclusivité d'environ 2.000 câbles secrets américains concernant Haïti, allant de 2003 à 2010. Ils provenaient d'une plus grande mine à trésors de plus de 250,000 câbles, connue sous le nom de «Cablegate», fournie à WikiLeaks anonymement par le corporale de l'armée américaine Bradley Manning, qui a été mis en prison en «détention provisoire» durant 1.050 jours dans des conditions semblables à la torture. Il est en cour martiale et peut être accusé de trahison, passible de la peine de mort. Il y a un mouvement à l'échelle mondiale dénonçant l'attitude du gouvernement des Etats-Unis envers Manning, qui a également donné à WikiLeaks une vidéo montrant un hélicoptère Apache américain criblant 12 civils en Irak en 2007, dont deux journalistes de Reuters.

Avec la sortie de Plus D et les « câbles Kissinger », Wikileaks a une fois de plus fourni aux journalistes et à des gens du monde entier un aperçu du monde glauque de la politique étrangère américaine. Alors que les câbles «Top Secret» ne sont pas disponibles, les milliers de câbles autrefois secrets et confidentiels des années 1970 donnent un aperçu clair de la façon dont le Département d'Etat élaborait ses plans et actions à des fins d'outrageuse politique pendant cette période, comme par exemple la reprise de l'aide militaire à un dictateur non-élu, corrompu, et répressif comme Jean-Claude Duvalier.

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