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Problématique haïtienne : entraves à la sortie de la crise…

category amérique centrale / caraïbes | divers | presse non anarchiste author Thursday April 04, 2013 20:47author by Ernst Jean Poitevien Report this post to the editors

Quels sont les facteurs qui influencent la répétition ou le retour incessant des mêmes problématiques sans qu'on y arrive à s'en sortir? Quelles sont les forces de freinage à la sortie de cette crise bicentenaire? Pourquoi les mouvements d'avant-gardes ne se sont-ils jamais trouvé une voix de sortie à cette crise? Pourquoi les forces progressistes ont-elles toutes échouées piteusement? Comment se sont-elles prises face aux forces rétrogrades pour mener leur combat? Ce sont là un ensemble de questionnement qui me trottait dans la tête. On a vu ailleurs des forces minoritaires dans la lutte sociale deviennent hégémoniques. En revanche, en Haïti, nos forces progressistes ne sont jamais arrivées à imposer leur point de vue; elles sont tuées dans l’œuf à leur premier balbutiement. Les idées d’un Edmond Paul au XIXe siècle en matière d’éducation et d’économie sont d’une modernité exceptionnelle. Il n’est pas étonnant par ailleurs qu’une œuvre aussi monumentale d’Anténor Firmin, soit De l’égalité des races humaines, éditée en 1885, n’a été rééditée qu’au début des années 60, 75 ans après sa parution. Ce n’est pas par hasard que ce long silence ait pu se produire. Les ennemis de la modernité ont voulu bannir de la mémoire ce géant de l’intellectualité haïtienne, battu à trois reprises (1902, 1908, 1911) dans la lutte pour la prise du pouvoir par les forces obscures (américaines, allemandes et haïtiennes) qui ont occupé les avenues du pouvoir depuis toujours. De 1902 à nos jours, à quelques exceptions près, ce sont les anti firministes qui ont occupé les avenues du pouvoir, dont le théoricien des élites obscurantistes,Sténio Vincent, dont François Duvalier fut un disciple.


L'élection de Sweet Micky est-elle une solution viable pour cette véritable sortie de crise ou un enlisement qui provoquera une cassure en dehors du projet initial, l'indépendance du pays et le projet implicite qu'il charriait dans son esprit du progrès et de la libération du nègre dans toutes ses facettes? Ces questions, je me les suis posées au lendemain de la victoire de Michel Martelly, puisqu'il fallait donner la chance au coureur - sans exclusive-, donc cette partie du questionnement est anhistorique. Peu importe. Au moins, elle a la valeur du temps de son accouchement sur papier; le murissement, l’itinéraire parcouru depuis dans la formulation d’une solution théorique partielle à la crise pérenne. Le paradoxe gramscien entre le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté est une élégante formule mais qui est l’arme de l’intellectuel platonique. Elle permet à l’intellectuel de se démettre de ses responsabilités. Autrement c’est le signe du refus, plutôt inconscient que conscient, de ce dernier de laisser son confort culturel, de sauter dans l’inconnu vers des possibilités au contour flou : seuls les esprits scientifiques, les génies osent plonger dans le néant. On ne pèse pas assez les sourcillements qu’ont provoqué les nouvelles connaissances qui, trop souvent, changent complètement la façon de penser, les rapports à la réalité, entre les êtres même. Je pense à Socrate, ce libre penseur; et plus près de nous à Einstein face à Max Planck, Pierre et Marie Curie pour la première fois les exposant sa théorie révolutionnaire qui, de surcroit, «balayait» Newton. Aussi que dire d’Anténor Firmin face à la Société d’Anthropologie de Paris, institution rétrograde à l’époque, qui avalisait les idées de l’infériorité du nègre.
L’intellectuel haïtien d’aujourd’hui doit oser aussi bien du point de vue théorique que pratique. Et pourtant plus le temps passe, plus la sortie de la crise devient plus compliquée et plus complexe… Je crains même que nos intellectuels soient plus capable d’oser théoriquement mais échouer piteusement à faire atterrir les brillantes idées. Donc, la nécessité d’une réforme éducative se pose d’emblée. Parce que la créativité#, dans bien des cas, fait appel à une panoplie d’habiletés physiques(des sens en général) qu’intellectuelles (l’induction, la déduction, l’intuition, etc.). Comme se plaise à le dire, Wilson Saintelmy, l’un des intellectuels à Montréal des plus créatifs, nous ne sommes que des consommateurs de connaissances. La raison est bien simple nos super intellectuels n’ont pas encore atterri, qu’ils se la ferment donc.

Le pire dans cette histoire, c’est la facilité avec laquelle l’Haïtien se prétende une sommité dans telle ou telle matière. La modestie est une autre vertu qu’on doit apprendre à cultiver. Cela me fait sourir quand bien d’entre nous se prennent pour des intellectuels. Delà me vient à l’idée de décanter en appliquant une stratification de l’intellectuel : au sommet des chercheurs, au milieu des lettrés qui peuvent comprendre le discours des premiers et des vulgarisateurs. Les premiers sont des producteurs de nouveaux paradigmes, les suivants ceux qui les appliquent dans tous les champs de la connaissance afin de les étayer, les enrichir du concret et, finalement, les vulgarisateurs qui les éparpillement avec un vocabulaire proche du commun des mortels. Malheureusement, en Haïti, on est jusqu’à ce jour, strictement, au deuxième palier, sans pour autant remplir les conditions du premier (il n’y a pas de production de connaissance en Haïti : nous reproduisons les connaissances venues d’ailleurs) et du dernier palier. Les gens de ce palier doivent pouvoir transmettre de façon simple à un enfant des concepts abstraits. Quand cela serait la norme, on fera un grand pas. Je ne dirais pas de géant. Par exemple, le concept du hasard, de probabilité, etc., peut être enseigné à de très jeunes enfants. La connaissance c’est la réalité exprimée en un appareillage conceptuel, les matériaux sont donc sous nos yeux. Plus la transmission des connaissances devient une réalité palpable, plus sa transformation ou sa maitrise devient malléable aussi bien sur le plan théorique que pratique. Le pays est vraiment estropié; notre cas est vraiment grave!

La prise du pouvoir de Michel Martelly ne devrait pas nous offusquer. On a récolté ce qu’on a semé. L’inconséquence des élites haïtiennes se traduit par leur absence de vision. La loi de la contrainte induit ipso facto la loi du principe de la rationalité. Si l’entropie en physique c’est pour toute activité de production, par exemple, il y a nécessairement une perte organiquement liée à l’activité, que serait-il pour toutes actions improductives dans tous les champs de la vie en général? Pouvez-vous découvrir la ou les relations asymétrique(s)? N’est-il pas vrai que l’indécision en est une décision d’embrayer au neutre ou de reculer? Autre chose : la nature n’a-t-elle pas horreur du vide? Pouvez-vous trouvez quelques exemples où nous avions usé de connaissances procédurales? La planification est notre talon d’Achille. Je dirais nous avons en horreur toutes actions planifiées; prendre le temps pour organiser les choses n’est pas une qualité haïtienne : on aime plutôt se lancer à l’aveuglette et les dieux tutélaires y pourvoiront au succès. Malheureusement, ce qu’on récolte le plus souvent c’est la déception, des rêves brisés, des descentes aux enfers…

Doit-on regarder sous cet angle l'élection de Sweet Micky : l'excès de la demande politique (de la population) et la faible offre politique(en terme de capacité organisationnelle, donc managériale) ne crée t-il pas une inflation des populistes -surtout que les organisations sont des coquilles vides -, des marchands de rêve? Un peuple, réduit à l'état infra-humain, peut-il être sensible à des discours responsables, à entendre ce que dicte la raison? Autrement dit, l'espoir a trop longtemps disparu dans ce peuple, qui s'est vu bafoué depuis 200 ans , qui, au lieu de voir une amélioration de sa situation, subit continuellement qu'une chute vertigineuse dans la dégradation de sa situation en général. Quand on arrive à cette étape – une situation qu'on pourrait comparer à quelqu'un qui se trouve au fond d'un précipice, qui a perdu tout espoir, qui soudain voit apparaitre une main providentielle lui porter secours, a-t-il le temps, peut-il jauger de la véracité de cette apparition providentielle –, quel espoir pour l’avenir de ce pays?

L'école haïtienne a-t-elle joué un rôle dans l'incapacité d'apporter une solution viable face à l'inertie sociale, politique et économique? Avouons-nous que notre improductivité est un signe même de notre instruction. En Haïti, par exemple, tous les alphabétisés s’attendent à occuper un poste dans l’administration publique. Le sens de l’initiative entrepreneuriale n’existe même pas dans leur tête. À l’étranger, les choses ne sont pas si différentes. Les activités qui ne sont pas intellectuelles sont regardées avec condescendance même par ceux qui n’ont qu’un minimum de bagages intellectuels. Nous n’avons pas de projets de développement économique, nous avons que de douces mélancolies. D’ailleurs, nous sommes que des nostalgiques; nous ne parlons que du passé. Comme le dit Vernon Jean : il y a des peuples qui se projettent dans l’espace (Canada, France, États-Unis, etc.), d’autres dans le passé(Haïti, et j’en passe).

Pourquoi Anténor Firmin a-t-il échoué face à Tonton Nord? Et Leslie et Mirlande Manigat ont subi le même revers face à Préval et Sweet Micky respectivement. Les fameuses leçons de l'histoire ne sont-elles pas des exercices de style. Autrement dit, on subit l'histoire, quand on veut tirer des leçons, l'état d'amnésique prend le dessus, comme une force d'attraction à la puissance infinie qui nous empêche de dévier de la dérive annoncée? C’est le double jeu des forces centripètes et centrifuges: Nou pap fè oun pa kita oun pa nago. Nan mitan rete rèd. Pourquoi nos lettrés qui nous assomment de grands discours ne peuvent s’organiser suivant leurs tendances idéologiques et donner une réponse pratique au drame haïtien? Ce sont des gens qui peuvent aller vous décrocher la lune, mais seulement Aloral. Leurs grandiloquences font rire; ce sont, pour la plupart, des clowns dans le cirque (Haïti) qui amusent la communauté internationale. Comme disait Franck Étienne dans Pèlen Tèt : Ti krik, ti krak, je demande la parole. Ils demandent la parole pour ne rien dire ou pour dire j’ai besoin d’exister pour dire et ne rien faire. C’est là la posture du marron : il n’existe que pour lui-même. Au diable tout le reste!

Résumé des blocages de la problématique ci-haut :

- Incapacité de sortir du paradigme initial de la construction de l'État haïtien et de la nation haïtienne; les clivages épidermiques, sociaux et économiques sont érigés en système sociétal, en modèle de construction de l'appartenance haïtienne : nous sommes haïtiens, mais nous ne sommes pas de la même laine, celle qui vaut la peine est la personne modelée à l'européenne;
- Incapacité de travailler en équipe; incapacité de dialoguer;
- Refus d’accepter la langue commune à tous les Haïtiennes et Haïtiens, le créole, même si peu s’exprime correctement en français (moins de 1%);
- Incapacité de se conformer à la modernité : absence de méthode d’organisation des institutions, donc de l’État managériale ;
- Facilité à adopter la modernisation mais pas la modernité. Le frein d'un point de vue théorique (le bovarysme culturel joue un rôle opérationnel qui constitue un frein au changement dynamique) est cette incapacité à virer de bord, à conceptualiser et mettre en œuvre le mécanisme de normalisation des structures sociétales et, en dernière instance, l’État.

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