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Les rébellions arabes et la guerre imperialiste: un point de vue Kurde

category international | impérialisme / guerre | entrevue author Wednesday March 23, 2011 18:00author by José Antonio Gutiérrez D. Report this post to the editors

Le texte suivant est un entretien avec Nejat Firat Zeyneloglu, un anarchiste kurde habitant en Turquie. Dans cet entretien, tenu le 21 mars, il traite de l’impact des rébellions arabes sur le peuple kurde, des manifestations dans le sud du Kurdistan et fait des parallèles intéressants entre la situation des rebelles libyen-ne-s aujourd’hui et celle des rebelles kurdes après la Première Guerre du Golfe. [English] [Italiano] [Türkçe] [Castellano]
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1. Comment furent les célébrations de la Norouz (fête kurde du nouvel an) cette année? Avec toutes les révoltes arabes actives, ce doit certainement être un temps intéressant…

Cette année les célébrations de la Norouz se sont déroulées dans une atmosphère d’enthousiasme; des millions de personnes ont participé aux célébrations partout dans le Kurdistan et à l’extérieur du pays. Pour des décennies, la Norouz n’a pas seulement été une fête nationale, mais également un rassemblement représentant la lutte forte et tenace pour la libération des kurdes. En fait, nous avons combattu pour avoir le droit de la célébrer depuis plus d’une décennie. Néanmoins, cette année, ce qui a vraiment donné de la motivation aux millions de kurdes qui ont célébré la Norouz était la splendide vague de révolte dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Le peuple kurde a déjà accueilli chaudement ce mouvement, en sympathie avec les autres peuples qui sont opprimés par des régimes brutaux. Je pense que cette vague de révolte est devenu un très important point tournant dans la conscience des gens de la région ; les dictatures ou les régimes brutaux semblaient être presqu’éternels ou immortels, mais quand les gens se soulèvent pour faire tomber ces régimes, ni une dictature, ni un système parlementaire hypocrite ne peut survivre; la révolution est possible et aussi réelle. Nous devons tou-te-s tirer des leçons de cette grande expérience.

2. Quelle est la position du mouvement de libération kurde en rapport avec ces révoltes? Est-ce que vous pensez que les demandes des masses arabes créent l’espace pour une lutte commune?

Il est clair que le mouvement de libération kurde est très heureux de la résistance arabe. Les kurdes ont lutté pour la libération depuis longtemps, ainsi il est prévisible qu’ils et elles sympathisent avec ces révoltes. Dans sa déclaration à propos de la révolte Arabe, le KCK (Koma Civakên Kurdistan -Union des communautés du Kurdistan) salua les rebelles et appela pour la destruction de toutes les dictatures et systèmes brutaux dans le Moyen-Orient. Je crois que l’hostilité artificielle entre les gens ou les communautés qui ont systématiquement été formées sous les classes dirigeantes, l’État et les pouvoirs impérialistes, va se diluer à partir de maintenant. Grâce à la lutte de libération, tous les gens de la région peuvent se rendre compte qu’elles et ils sont capables de construire un futur ensemble, en s’aidant mutuellement. Laissons-nous l’espérer…

3. Quel a été le rôle de la population kurde en Irak durant cette vague de rébellion? Nous avons entendu parler d’importantes manifestations dans le sud du Kurdistan…

De vraiment puissantes manifestations ont eut lieu dans le sud du Kurdistan, ou officiellement dans le Kurdistan irakien. Ces manifestations ont commencé lorsqu’un vétéran pauvre a tenté de s’immoler – exactement comme en Tunisie – pour protester contre la corruption du gouvernement local, la pauvreté et l’oppression dans la région. Le même jour, à Sulaymaniya, des milliers de personnes ont descendu dans les rues pour protester. Ce fut une grande vague de révolte en fait. Le gouvernement régional a réagit violemment aux manifestations : la police tua deux manifestant-e-s et en blessa 50. Après, bien sûr, les manifestations ne furent pas terminées, au contraire, elles devinrent plus fortes et se sont répandues partout dans la région. Je pense qu’il est clair que la résistance était inspirée par la révolte arabe. Les masses ont résisté à la présente situation où nous avons, d’un côté, une classe exploiteuse qui s’appuie sur la protection des tribus locales et du gouvernement régional, et de l’autre, les gens pauvres vivant sous un système brutal. Le gouvernement fait des promesses aux gens maintenant, mais je crois que le peuple ne peut plus être déçu.

4. La situation actuelle en Libye comporte plusieurs parallèles avec la situation dans le Kurdistan irakien après la guerre de 1991, quand les États-Unis ont déclaré la région une zone d’interdiction de vol (« no-fly zone »). Plusieurs éléments de la gauche avaient tiré une conclusion mécanique que parce que les nations impérialistes montraient leurs muscles dans des crises comme celle-ci, sur des dictateurs comme Hussein et Kadhafi, alors la bonne position était de se ranger du côté des dictateurs contre l’impérialisme. Encore, les libéraux tendent à penser que puisque ces dictateurs sont terribles et que la rébellion est légitime contre eux, nous devons se ranger du côté des impérialistes contre les dictateurs. Gardant en tête l’expérience kurde des années 1990 et la position complexe qu’elle avait, combattant autant les ennemis jurés de l’impérialisme comme la Syrie et l’Iran que les alliés proches des États-Unis comme la Turquie, et ayant de plus une dure lutte en Irak où un gouvernement « nationaliste kurde » collabore ouvertement à l’écrasement de la résistance; quel est votre vue sur les récents événements en Libye?

Comme vous dites, il y a des similitudes entre les deux situations, au Kurdistan et en Libye. Et plusieurs gauchistes, de la même façon qu’ils et elles se trompent souvent au sujet de la question kurde, se trompent généralement sur la question libyenne. Premièrement, il est mal de supporter tout dictateur ou dictature, et encore pire, de considérer qu’ils pourraient être progressistes ou honnêtement anti-impérialistes. En fait, toutes ces dictatures oppriment leurs peuples avec l’aide de plusieurs pouvoirs impérialistes. Deuxièmement, il est également mauvais d’espérer obtenir de l’aide des impérialistes dans quelque lutte de libération que ce soit.

Défendre les dictatures ou défendre l’intervention impérialiste contre les dictatures sont à la base la même chose; c'est-à-dire le rejet ou l’ignorance de la volonté des masses de gens de combattre pour leur liberté par elles et eux-mêmes. J’aimerais signaler que dans ces deux cas, il y a une méfiance des gens, des masses et de leur lutte. Pour les pays impérialistes, naturellement, toute la mission est dans le but de donner une soi-disant « stabilité » parce que leurs intérêts dépendent de la « stabilité ». Ainsi, en général, aussi longtemps que leurs bénéfices sont protégés, ils ne se soucient pas de quel est le type de pouvoir dominant : des fascistes, des sociaux-démocrates, des conservateurs, des verts,… Rappelons qu’il n’y a qu’un mois, Sarkozy, Berlusconi, Erdoğan et d’autres étaient meilleurs amis avec Kadhafi. Parce qu’ils ont tous des investissements en Libye, et vous savez, pour le capitalisme, les investissements sont plus importants que la vie des gens.

Les pays impérialistes sont plus inquiétés par le peuple libyen que par Kadhafi. Ainsi, le but de cette guerre est d’établir et de sécuriser une nouvelle structure en Libye qui soit au bénéfice des pays impérialistes. Je pense que nous devons supporter la lutte du peuple libyen qui est basée sur sa propre volonté. Nous devons supporter toutes les pratiques de démocratie directe et d’autogestion contre toutes les formes d’oppression ou d’autorité. Nous devons reconnaître que le peuple libyen a le droit à l’auto-détermination, et nous avons à nous ranger du côté du peuple, et non du côté de Kadhafi ou des impérialistes.

Pendant que la résistance kurde combattait pour la libération, la gauche nationaliste turque critiquait le mouvement de libération parce qu’elle considérait que les kurdes devaient accepter le statu quo et ne devaient pas déranger l’équilibre international. Mais la liberté est une demande qui ne peut pas reportée. Nous devons défendre la liberté et l’autogestion contre les dictateurs et les impérialistes.

5. Nous entendons parler de chrétien-ne-s, de chiites, de sunnites, d’alaouites, et de bien d’autres, vivant des tensions en tant que groupes ethnoculturels dans le Moyen-Orient. Le mouvement de libération kurde a développé le projet de Confédération Démocratique pour le Moyen-Orient pour trouver une coexistence pacifique de cette complexe mosaïque de peuples, où les communautés se fédèreraient du bas vers le haut selon les affinités et les intérêts communs, et non pas sur la base de frontières coloniales. Pensez-vous que ce projet soit encore plus pertinent maintenant que la région est en révolte?

Je prends note du projet de confédération démocratique qui a été mis de l’avant par le mouvement de libération kurde et par Abdullah Öcalan lui-même. Malgré quelques imperfections, c’est un projet qui est basé sur l’autogestion, l’anticapitalisme et l’écologisme et je pense qu’il vaut la peine d’être discuté. Je crois sincèrement que cette expérience doit être observée et discutée.

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