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La police de Lula abat un militant libertaire à bout portant

category brésil/guyane/suriname/guinée française | mouvement anarchiste | entrevue author Tuesday September 07, 2010 09:41author by François - AL Paris Nord-Est Report this post to the editors

Entretien avec Daniel, militant libertaire au Brésil publié dans le no de septembre d'Alternative libertaire

La gauche brésilienne traverse en ce moment une crise importante : adhésion du gouvernement Lula à l’idéologie néolibérale, bureaucratisation du principal syndicat du pays, répression en règle du Mouvement des sans-terres. Daniel, militant libertaire, nous en parle.

Alternative libertaire : Le mouvement libertaire se développe au Brésil. Au point qu’une coordination a été créée, qu’en est-il exactement ?

Daniel : En effet, la coordination, créée en 2001 – le Forum do Anarquismo Organizado (FAO) – rassemble plusieurs organisations libertaires du Brésil. Il existe une organisation à Rio de Janeiro, une autre dans le Nordeste à Bahia, une à San Pablo et aussi dans le Mato Grosso, dans laquelle je milite. Mais le groupe le plus important est la Federaçao Anarquista Gaucha (FAG) qui se trouve dans l’Etat le plus au sud du Brésil, le Rio Grande do Sul. L’enjeu actuel est de renforcer les liens entre toutes les organisations et de tendre vers une coordination fédérale par le biais du forum et du journal.

Il apparait clairement que Lula et son gouvernement sont en plein processus de conversion idéologique, les amenant à s’adapter à l’ordre capitaliste et à l’idéologie néolibérale. Quelles en sont les conséquences pour la gauche brésilienne ?

Il y a en effet une montée du discours néolibéral qui se conjugue avec un discours qui se veut social. Ce discours ambivalent est celui du principal parti au pouvoir : le Parti des travailleurs (PT) de Lula. En 2002, lorsque Lula est élu, il déclare qu’il est hors de question de remettre en cause la politique néolibérale de son prédécesseur. La gauche brésilienne entre alors en crise et on assiste à l’intégration de deux principales organisations de gauche au gouvernement : la principale organisation syndicale, la Centrale unique des travailleurs (Cut), et le Mouvement des sans-terres (MST ) qui lui, en revanche, connait une intégration beaucoup moins forte. Cette bureaucratisation de la Cut n’est pas nouvelle et a commencé dès les années 1980. Mais c’est l’institutionnalisation de la gauche qui entraîne la crise actuelle. Le MST a une position différente. Même si lors des élections, il appelle à voter pour le candidat du PT contre la droite traditionnelle, il n’est pas dans une position de défense du gouvernement comme la Cut. La différence entre le MST et la Cut se voit surtout dans la pratique : le MST continue à être à l’origine de luttes importantes, notamment d’occupation des terres par les paysans et les paysannes, luttes durement réprimées par le gouvernement.

Et comment se situent les camarades de la FAO, en tant que syndicalistes, face à la crise que traverse la Cut ?

En 2003, la Cut va connaître sa première scission avec la naissance de la Coordination nationale de luttes (Conlutas), principalement sous l’égide du Parti socialiste des travailleurs unis (PSTU), un courant trotskyste moréniste, relevant de l’avant-gardisme et imposant de choisir son camp, à savoir être avec eux ou être un valet du patronat. De nombreux militants de la Cut contestant sa bureaucratisation décident néanmoins de ne pas rejoindre Conlutas, s’en distinguant sur plusieurs points, mais prennent la décision en 2006 d’opérer une deuxième scission en créant l’Intersyndicale. Tout en étant très clair sur l’analyse que la Cut n’est plus dans un combat de classe, les militants de l’Intersyndicale décident de ne pas aller aussi loin dans le travail de dénonciation, analysant que la Cut conserve un certain nombre de syndicats combatifs dont il ne faut pas se couper. L’Intersyndicale va elle-même éclater en plusieurs courants. La rupture apparaît en 2008 lorsqu’est votée une loi reversant aux syndicats, en fonction de leur représentativité, un impôt prélevé sur les travailleurs. Un premier courant, décide alors de récupérer une partie de la manne en créant une grande organisation syndicale. L’autre courant, composé de trois organisations dont Résistance populaire, issue de la FAO, préfère prendre le temps de construire un syndicat de lutte uni reposant sur sa base et indépendant du pouvoir.

La FAO est donc fortement impliquée dans les enjeux du syndicalisme de lutte ?

Les différentes organisations qu’on retrouve dans la FAO ont de grands débats sur les interventions et stratégies syndicales en entreprise. C’est une part importante de nos discussions, constitutives du processus de construction de la coordination fédérale. Nous nous différencions par là même de nombreux groupes anarchistes traditionnels qui nous considèrent presque comme des réformistes. Les camarades de la FAG sont surtout présents dans le secteur de l’enseignement, des employés communaux et de la santé publique. Les camarades de Maceio sont plutôt présents dans le secteur de la santé, ceux du Mato Grosso, dans l’éducation nationale. Quant aux camarades de la ville d’Assi, ils sont très présents dans les usines et principalement dans le secteur de la métallurgie. Les camarades de Rio de Janeiro font un gros travail auprès des chômeurs et contribuent à la coordination des mouvements de lutte à l’intérieur des favelas ; travail en grande partie délaissé par la gauche qui laisse ainsi le terrain libre à l’église. Enfin, les camarades de la Fédération anarchiste de San Pablo sont très présents dans le secteur des banques.

Les camarades de la FAG sont soumis à une dure répression en ce moment…

S’est considérablement renforcé ces dernières années un courant très à gauche du MST, distinct du mouvement historique proche du PT. Ce courant est assez proche des libertaires, et des camarades de la FAG et de San Pablo militent en son sein. Par ailleurs de nombreux camarades libertaires travaillent à rendre populaire leurs combats. Ce travail de solidarité prend des formes assez variées allant du relais d’information, de la dénonciation de la répression de ces mouvements, aux campagnes de soutien. Les camarades de la FAG ont récemment participé à un important mouvement d’occupation des terres qui a rencontré une répression très importante. Pendant une de ses occupations, un camarade a été abattu à bout portant par la police. Celui qui a tiré est un haut responsable de la police. Cet acte criminel est très clairement un message lancé aux militants anarchistes. Le gouverneur du Rio Grande do Sul a ensuite investi les locaux de la FAG, à Porto allègre, et a annoncé l’arrestation de tous les camarades présents et la confiscation de tous les biens saisis dans le local. C’est une mesure claire d’interdiction des activités politiques de l’organisation. Suite à ça, six camarades ont été inculpés et poursuivis par le gouverneur. Le procès devait avoir lieu en juillet, mais comme des élections importantes devaient avoir lieu, le gouverneur a préféré obtenir un report. Le procès aura donc lieu en décembre et sur les six, l’un risque fortement de la prison ferme.

Propos recueillis par François (AL Paris Nord-Est)

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Texte du numéro de septembre d'Alternative libertaire

Related Link: http://www.alternativelibertaire.org
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