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Libertaires contre l'hysterie sécuritaire

category france / belgique / luxembourg | répression / prisonniers et prisonnières | opinion / analyse author Thursday March 13, 2008 03:22author by Sebastien/commission antisécuritaire - Alternative Libertaire Report this post to the editors

Un constat s’impose : l’hystérie sécuritaire gangrène profondément la classe politique et médiatique française et, par conséquent, les attaques contre les libertés individuelles et collectives se font de plus en plus puissantes. Comment en est-on arrivé à cette situation où l’on voit se concrétiser de jour en jour une société de type orwellienne ? Et quelles sont les possibilités de résistance collective ?


LIBERTAIRES CONTRE L’HYSTERIE SECURITAIRE


Un constat s’impose : l’hystérie sécuritaire gangrène profondément la classe politique et médiatique française et, par conséquent, les attaques contre les libertés individuelles et collectives se font de plus en plus puissantes. Comment en est-on arrivé à cette situation où l’on voit se concrétiser de jour en jour une société de type orwellienne ? Et quelles sont les possibilités de résistance collective ?

Depuis plus de vingt ans, l’idéologie sécuritaire était le principal fonds de commerce démagogique du Front national - avec la formule raciste attisant les haines : « immigration = insécurité » - tout en étant un thème central pour la droite parlementaire.

Mais c’est la gauche de gouvernement qui a ouvert la boîte de Pandore en 1997, avec Lionel Jospin comme premier ministre et Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur « national-républicain », qui ont défini la « sécurité » comme priorité nationale, avant même la lutte contre le chômage.

L’année 2001 marque cependant une rupture nette, avec comme prétexte la lutte anti-terroriste à l’échelle mondiale en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 sur le sol des Etats-Unis d’Amérique. Dans ce contexte patriotique et réactionnaire fortement émotionnel, une loi d’exception proposée par le gouvernement de gauche est votée en urgence le 15 novembre 2001 à l’Assemblée nationale. Cette loi dite sur la « sécurité quotidienne » est un fourre-tout idéologique et liberticide créant un amalgame dangereux entre terrorisme et délinquance, entre terrorisme et immigration, voire entre terrorisme et mouvement social. Cette loi qui devait initialement prendre fin en décembre 2003 a été prolongée plusieurs fois et depuis, ce sont plus de nouvelles lois en moins de 7 ans qui sont venues compléter ce véritable arsenal législatif.

Début 2002 s’est déroulée une campagne présidentielle marquée par une surenchère politique attisant les pulsions sécuritaires largement relayées par les grands médias aux ordres, ce qui permettait d’éviter les réelles questions. Mais le parti socialiste alors au pouvoir n’a pas été récompensé de ses « efforts » sur le terrain sécuritaire puisque le candidat socialiste Jospin a été devancé au premier tour par le chef du Front national, Jean-Marie Le Pen. Cette situation inédite a provoqué une vague de « front républicain » antifasciste sans lendemain, permettant seulement à Jacques Chirac d’accéder au pouvoir avec un score à plus de 80%. Résultat : aucune remise en cause du côté socialiste et, pour apprivoiser l’électorat de l’extrême droite, Chirac nomme un nouveau ministre de l’Intérieur instaurant un état d’exception permanent : Nicolas Sarkozy. Ce dernier s’est ainsi construit une image d’homme d’Etat inflexible, viril, imposant un contrôle policier et judiciaire toujours plus répressif contre les nouvelles « classes dangereuses » instituées : les jeunes gens des quartiers populaires, les immigré-e-s, les marginaux-ales pauvres, les militant-e-s contestataires... Sous prétexte de sécurité pour le bien de la population « qui n’a rien à se reprocher », les nouvelles techniques de contrôle sont étendues : vidéo-surveillance, biométrie, tests ADN… et le fichage est généralisé à des millions de personnes, selon le principe de cercles concentriques de plus en plus larges.

La propagande idéologique tourne à plein régime puisque des dizaines de journalistes influents, d’intellectuel-le-s, de sociologues et autres scientifiques médiatisé-e-s sont ainsi rallié-e-s à cette nouvelle croisade contre les « barbares des cités » et contre les « angéliques des beaux quartiers» censés défendre « la culture de l’excuse ».

Mais les révoltes urbaines spontanées qui se sont répandues dans toute la France comme une traînée de poudre suite à la mort de Zied et Bounia (deux adolescents morts électrocutés car pourchassés par la police en novembre 2005) ont fait ressurgir un temps la question sociale. En effet, les inégalités sociales, le sort réservé aux quartiers populaires, la question du racisme ont pu être remis sur la place publique par ces jeunes gens qui ont exprimé par des actes leur conscience des rapports criants de domination, et sans qu’il y ait véritablement d’« atteintes aux personnes » malgré le harcèlement policier et les provocations étatiques. Pourtant la gauche, l’extrême gauche, les syndicats, les associations progressistes ont été incapables de saisir l’occasion pour mener le débat en profondeur sur les cause profondes de cette révolte, sans même parler de soutien aux révoltés. Il n’est pas anodin qu’il n’y ait pas eu non plus de réaction d’ampleur contre l’instauration de l’état d’urgence décrété dans les grandes villes et dans certains quartiers populaires, alors que l’on n’avait pas connu d’état d’urgence, sauf en Nouvelle-Calédonie en 1985, depuis la guerre d’Algérie.

Depuis, Sarkozy est arrivé confortablement et sans réelle contestation au pouvoir en mai 2007, a renforcé la politique sécuritaire de l’Etat pénal et a instauré une politique raciste visant les étrangers. L’instauration d’un « ministère de l’immigration et de l’identité nationale », les opérations massives de rafles de sans-papiers dans les grandes villes en disent long sur ses intentions. Le président a même récemment instauré des peines dites de « sûreté » contre les personnes condamnées à plus de 15 ans de prison. Si le Front national n’a pas renouvelé son succès de 2002, l’idéologie d’extrême droite est bien présente à la tête de l’Etat et le mouvement antifascisme est au plus bas.

Le 25 novembre 2007, une autre révolte, avec cette fois des tirs sur policiers, s’est déclenchée à Villiers-le-Bel suite au décès de deux autres adolescents, Larami et Mushin, après une collision violente de leur mini-moto avec un véhicule de police. Quelques mois plus tard, le 18 février 2008, dans un contexte de campagne pour les élections municipales marqué par une baisse très nette dans les sondages du président, une impressionnante opération-spectacle avec 1000 policiers et des centaines de journalistes a lieu, conduisant à l’arrestation musclée de plus de 30 personnes. Sarkozy tente ainsi de remettre le sécuritaire au premier plan pour masquer le mécontentement grandissant.

Les perspectives ne sont donc pas à priori réjouissantes et pourtant il existe des axes de lutte à développer.

Nous, militants d’Alternative libertaire, nous sommes ainsi impliqué-e-s dans des réseaux d’acteur-trices sociaux confronté-e-s au quotidien aux réalités du terrain, contrairement aux démagogues résidant dans les beaux quartiers. Que ce soit en tant que travailleur-euse-s sociaux, militant-e-s associatifs et syndicalistes ou tout simplement habitant-e-s des quartiers populaires dits “ difficiles ”, nous avons conscience des difficultés vécues et des véritables enjeux de ce débat.

Des collectifs locaux et nationaux contre les violences policières (par exemple, le collectif Résistons ensemble http://resistons.lautre.net/), contre les technologies de surveillance et pour les libertés publiques (par exemple, l’association Souriez vous êtes filmés http://souriez.info/) fleurissent sur tout le territoire avec comme principal vecteur l’autonomie des populations prises en étau. Récemment, en juin 2007, un forum social des quartiers populaires (http://fsqp.free.fr/) a ainsi permis à différents collectifs locaux de se rencontrer à Saint-Denis, d’échanger sur les expériences vécues et de tenter de se coordonner.

Par ailleurs, la désobéissance syndicale commence également à s’organiser chez les travailleurs sociaux (par exemple, le collectif national unitaire de résistance à la délation http://antidelation.lautre.net/), notamment contre la volonté de les transformer en auxiliaires de police ou en délateurs. Et un collectif d’associations et de syndicats de lutte a récemment diffusé une brochure à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires pour informer les travailleurs sans-papiers de leurs droits (voir sur le site du collectif Uni-e-s contre une immigration jetable (UCIJ) : http://www.contreimmigrationjetable.org/spip.php?article890. Dans la même logique, plusieurs luttes emblématiques, notamment dans la restauration, ont permis à des travailleurs sans-papiers d’obtenir gain de cause.

C’est notamment dans les luttes de l’immigration, avec des populations soumises quotidiennement à l’arbitraire policier, que l’on observe une certaine tradition de lutte à présent bien ancrée. A Paris, il y a eu quelques exemples de révolte populaire contre les opérations massives de rafles qui se sont généralisées depuis 2005. Récemment, des révoltes, appuyées par des manifestations à l’extérieur, ont éclaté dans des centres de rétention pour étrangers sans-papiers (voir sur le site de la CIMADE, seule association à avoir accès aux centres de rétention administratifs : http://www.cimade.org/). Enfin, le réseau éducation sans frontières (RESF), rassemblant enfants, parents d’élèves, enseignants, certains élus et parents sans-papiers a réussi à faire dans les écoles un véritable maillage de mobilisation contre les expulsions (http://www.educationsansfrontieres.org/). Et le collectif « Uni-e-s contre une immigration jetable » à laquelle participe Alternative libertaire, projette une manifestation nationale à Paris le 5 avril prochain contre la politique raciste et sécuritaire du gouvernement.

Enfin, nous devons contribuer à réarmer intellectuellement les militants et les populations concernées afin de développer la réflexion contre l’idéologie sécuritaire et de démontrer que cette hystérie sécuritaire sert les intérêts des classes possédantes et à alimenter le marché juteux de la sécurité privée (près de 30 milliards d’euros en 2000). C’est bien la multinationale du bâtiment et des travaux publics Bouygues qui a signé avec l’Etat français un contrat pour la construction et la gestion matérielle de trois nouvelles prisons, avec une rente annuelle de 48 millions d'euros annuels. Mais ça n’a aucun rapport avec le fait que Martin Bouygues, par ailleurs propriétaire de la première chaîne de télévision française, soit le témoin du deuxième mariage de Nicolas Sarkozy et le parrain de son fils cadet Louis. Nous devons mettre en lumière à « qui profite le crime », nous devons démontrer que c’est l’insécurité sociale générée par les patrons et les gouvernants que nous devons prioritairement et collectivement combattre, et c’est seulement à cette condition que nous pourrons alors projeter un autre projet de société, solidaire, égalitaire et libertaire.

Pour Alternative libertaire
Sébastien

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