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Anarchisme et Antispécisme

category france / belgique / luxembourg | environnement | opinion / analyse author Thursday February 13, 2014 18:22author by Coordination des Groupes Anarchistes - CGA Report this post to the editors

Analyse de la CGA concernant l'antispécisme

Par la présente déclaration, nous affirmons que l'antispécisme (que nous définirons plus en détail ci-après) n'est pas une simple éthique individuelle mais une idéologie étrangère à l'anarchisme, et que les deux idéologies, bien qu'utilisant des concepts et un vocabulaire parfois similaires, leur donnent un contenu radicalement différent qui en font deux idéologies contradictoires et incompatibles.


Anarchisme et Antispécisme


Par la présente déclaration, nous affirmons que l'antispécisme (que nous définirons plus en détail ci-après) n'est pas une simple éthique individuelle mais une idéologie étrangère à l'anarchisme, et que les deux idéologies, bien qu'utilisant des concepts et un vocabulaire parfois similaires, leur donnent un contenu radicalement différent qui en font deux idéologies contradictoires et incompatibles.

Nous souhaitons préciser en préambule que cette position que nous développons ne se fonde ni sur une méconnaissance de ce qu'est l'antispécisme (ou en quelque sorte des préjugés basés sur des « on-dits »), ni sur la méconnaissance des divers courants qui composent l'antispécisme. Le débat autour de ces questions n'est pas nouveau dans le mouvement libertaire – ainsi Lyon a été notamment l'un des centres théoriques du mouvement antispéciste lors de son développement en France dans les années 90, à travers la revue Les Cahiers Antispécistes Lyonnais, renommés depuis Cahiers Antispécistes et nos militantEs ont pu non seulement avoir accès directement à la littérature antispéciste, mais aussi aux discours de leurs principaux théoricienNEs en France. Nous avons pu également observer l'évolution et l'adaptation de ces discours, à mesure des réactions que ceux-ci provoquaient dans le mouvement libertaire, qu'il s'agisse de réactions positives ou négatives. Enfin, nous avons eu accès aux ouvrages théoriques de base du courant antispéciste, qu'il s'agisse des textes de Tom Reagan, de Peter Singer ou de Charles Patterson. Nous appuierons donc notre argumentaire sur ce corpus qui nous semble le plus représentatif du courant antispéciste, puisqu'il comprend en particulier des textes de ses fondateurs.

Quelques définitions

Nous réaffirmons que nous faisons la distinction entre végétarisme, végétalisme ou véganisme et antispécisme. Les deux premiers sont des pratiques alimentaires / de consommation, qui peuvent reposer soit sur des fondements religieux, mystiques, soit sur des fondements éthiques, moraux, ou écologiques, ou bien encore des considérations diététiques et sanitaires.

L'antispécisme, quant à lui, est une idéologie, c'est à dire « un ensemble de concepts articulés entre eux de manière cohérente, (...) un ensemble d'idées, de motivations, d'aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui a un lien direct avec l'action ». En ce sens, s'il existe des courants différents au sein de cette idéologie, il est possible néanmoins de distinguer les idées, valeurs, aspirations et donc une structure de concepts communs à l'idéologie antispéciste au delà de ses sous-courants.

Enfin, si le véganisme / végétalisme est la conséquence logique de l'antispécisme, il ne s'y réduit pas, en ce sens qu'il existe de nombreux véganNEs / végétalienNEs qui ne le sont pas.

Pratiques alimentaires / de consommation

Le végétarisme consiste à refuser de manger de la chair animale, qu'il s'agisse de viande ou de poisson. Le végétalisme consiste à refuser de manger non seulement de la chair animale, mais aussi de produits dérivés des animaux. Le véganisme quant à lui, consiste à refuser tout consommation de chair animale, de produits dérivés des animaux, que ce soit pour un usage alimentaire ou non alimentaire (unE végan refusera par exemple d'acheter des vêtements en cuir, etc...) Le courant libertaire a connu historiquement des pratiquantes et pratiquants du végétarisme comme végétalisme.

L'antispécisme

Le terme antispécisme définie une idéologie apparue dans les années 1970, fondée sur le refus du spécisme, défini de la manière suivante :
« Le spécisme est à l'espèce ce que le racisme et le sexisme sont respectivement à la race et au sexe : la volonté de ne pas prendre en compte (ou de moins prendre en compte) les intérêts de certains au bénéfice d'autres, en prétextant des différences réelles ou imaginaires mais toujours dépourvues de lien logique avec ce qu'elles sont censées justifier.

En pratique, le spécisme est l'idéologie qui justifie et impose l'exploitation et l'utilisation des animaux par les humains de manières qui ne seraient pas acceptées si les victimes étaient humaines.

Les animaux sont élevés et abattus pour nous fournir de la viande; ils sont pêchés pour notre consommation ; ils sont utilisés comme modèles biologiques pour nos intérêts scientifiques ; ils sont chassés pour notre plaisir sportif.

La lutte contre ces pratiques et contre l'idéologie qui les soutient est la tâche que se donne le mouvement de libération animale. » [1]
L'antispécisme refuse donc toute distinction éthique / morale entre « animaux humains et non humains » et toute différences en terme de droits et de traitement. Il affirme « l'égalité animale » entendue comme l'égalité en droits entre « animaux humains et non humains » Dans cette perspective, il revendique la « libération animale » définie comme la fin de toute « exploitation animale » et de toute « domination humaine » sur les animaux. Par exploitation animale les antispécistes entendent l'élevage et la domestication, soit pour utiliser les animaux comme matière première alimentaire ou industrielle, comme source de plaisir / loisir (corrida, etc...) soit pour utiliser le « travail »animal (animaux de traits par exemple).

L'antispécisme équivaut le fait de tuer des animaux pour produire de la viande à un « meurtre », manger de la viande à « manger du cadavre ». Les conséquences théoriques de cette affirmation de base ont conduit certains théoriciens antispécistes à comparer l'industrie de la viande aux génocides juif et rom. Nous y reviendrons. [2]

Une partie significative du courant antispéciste, particulièrement la partie se réclamant proche ou partie prenante du mouvement libertaire, considère le « spécisme » comme le « rapport de domination » initial sur lequel tous les autres « rapports de dominations » s'appuient : qu'il s'agisse du racisme et de l'antisémitisme, du patriarcat, et du capitalisme. Ils y voient à minima une 4ème oppression à ajouter à la théorie des 3 oppressions (classe, race, sexe), ou même l'oppression structurante, qui a ensuite expliqué ou favorisé l'émergence des oppressions entre « animaux humains ».

Notre anarchisme

Au risque de paraître longUEs, nous pensons important de revenir sur notre définition de l'anarchisme, afin de faire apparaître plus clairement les raisons qui nous poussent à affirmer la contradiction entre antispécisme et anarchisme.

L'anarchisme tel que nous le concevons s'inscrit dans la continuité du mouvement ouvrier socialiste, et plus précisément de la tendance anti-autoritaire de l'Association Internationale des Travailleurs. Cette précision est importante, en ce sens que si elle reconnaît l'existence de mouvements et révoltes anti-autoritaires dans l'histoire humaine avant cette période, tout comme l'existence de courants idéologiques libertaires, elle situe l'anarchisme comme un courant idéologique ancré dans l'histoire, et non comme une tendance philosophique universellement présente dans l'histoire humaine fondée sur le seul refus de principe de la domination.

Cela ne revient pas à nier les apports des différents de courants de pensée ayant une dimension anti-autoritaire dans l'émergence de l'idéologie anarchiste, mais à restituer la spécificité de cette dernière, en tant qu'idéologie matérialiste issue des Lumières, fondée sur la synthétisation des acquis d'un mouvement d'émancipation ouvrière, et incorporant les acquis d'autres mouvements d'émancipation humaine également nés des Lumières tels l'antiracisme, l'anticolonialisme et le féminisme.

L'anarchisme est un courant matérialiste, en ce sens qu'il refuse toute séparation entre idée et matière, et affirme que rien n'est extérieur à la matière. En ce sens également qu'il n'est pas seulement un mouvement rationaliste (tel d'autres mouvements philosophiques issus des Lumières comme le libéralisme et le marxisme), mais qu'il inscrit son approche éthique, politique, économique et sociale sur l'analyse des rapports sociaux concrets et historiques. Ainsi, ses idées ne sont donc pas des concepts abstraits plaqués sur la réalité, mais des concepts forgés en relation avec les rapports sociaux qui caractérisent la société humaine.

Les concepts de liberté, d'égalité, de droits, mais aussi de domination, d'exploitation et d'oppression ne sont ainsi pas pensés comme des concepts abstraits et subjectifs, mais comme des concepts liés aux rapports sociaux, à la réalité matérielle de l'agencement des relations humaines.
« L'homme a perdu, au cours de son cheminement évolutif d'« hominisation », les déterminations instinctuelles et leur a substitué des déterminations culturelles, c'est-à-dire des normes, règles, codes de communication et d'interaction. C'est dans cette substitution justement que se situe la liberté humaine spécifique à son plus haut niveau : l'autodétermination. En fait, les déterminations culturelles ne sont pas données à l'homme (par dieu ou par la nature), c'est l'homme qui se les donne. Les normes ne sont pas un simple reflet de nécessités naturelles.

[...] La production des normes est donc l'opération centrale, fondement de la société humaine, elle est production de socialité et pour cela même d'« humanité », puisque l'homme n'existe pas en tant qu'homme sinon comme produit culturel, c'est-à-dire comme produit social » [3]
La centralité du discours anarchiste porte ainsi clairement sur le pouvoir, entendu comme la capacité de produire des normes (au sens neutre de règles d'interaction sociale, politiques et économique) et de les appliquer. Il est ainsi évident que les anarchistes recherchent une situation de « pouvoir égal pour toutEs » : c'est-à-dire lorsque cette fonction régulatrice des rapports sociaux que constitue le pouvoir est exercée par la collectivité sur elle-même et n'est pas accaparée par une partie (minoritaire) de la société (classe dominante, caste,...). C'est donc en ce sens qu'il convient de comprendre l'opposition anarchiste à toute forme de système (étatique, économique, racial, patriarcal...) qui organise une dissymétrie (inégalité) d'accès au pouvoir.

Ainsi l'exploitation, comprise au sens anarchiste, ne se réduit pas au sentiment d'être exploitéE, mais se définit comme un rapport social caractérisé par l'appropriation du travail et des bénéfices du travail, notamment par l'intermédiaire de la plus-value réalisée au moyen de la propriété privé et de l'échange marchand au profit d'une minorité (la bourgeoisie). La domination n'est pas non plus un sentiment, mais une dissymétrie de pouvoir entre individus et/ou groupes d'individus, organisée par les rapports sociaux, économiques, culturels. L'oppression n'est enfin pas non plus un sentiment (un dominant peut avoir le sentiment d'être opprimé, cela n'en fait pas une réalité objective), mais l'effet négatif concret de la dissymétrie de pouvoir qui résulte du rapport ou des rapports de domination. L'égalité n'est pas un concept abstrait fondé sur les « droits », mais un rapport social, politique et économique, caractérisé par une relation fondée sur une symétrie de pouvoir, c'est à dire l'égale capacité des êtres humains à exercer leur capacité politique, ce qui signifie que la liberté de l'unE ne peut se faire au détriment de l'autre.

La liberté n'est ainsi pas définie dans l'anarchisme de manière essentiellement négative : contrairement à l'idéologie libérale, il ne s'agit pas pour un individu de jouir « d'une absence de contrainte » abstraite, posant l'individu contre la société et plaçant la liberté individuelle au dessus de la société, et donc des autres individus. Il ne s'agit pas pour l'individu d'exercer un pouvoir illimité, indépendamment des conditions matérielles de sa réalisation et de ses conséquences sur les autres êtres humains.

Comme l'indique Bakounine,
« La liberté individuelle n'est point, selon eux [les libéraux], une création, un produit historique de la société. Ils prétendent qu'elle est antérieure à toute société, et que tout homme l'apporte en naissant, avec son âme immortelle, comme un don divin. D'où il résulte que l'homme est quelque chose, qu'il n'est même complètement lui-même, un être entier et en quelque sorte absolu qu'en dehors de la société. Étant libre lui-même antérieurement et en dehors de la société, il forme nécessairement cette dernière par un acte volontaire et par une sorte de contrat soit instinctif ou tacite, soit réfléchi et formel. En un mot, dans cette théorie, ce ne sont pas les individus qui sont créés par la société, ce sont eux au contraire qui la créent, poussés par quelque nécessité extérieure, telles que le travail et la guerre.

On voit que, dans cette théorie, la société proprement dite n'existe pas; la société humaine naturelle, le point de départ réel de toute humaine civilisation, le seul milieu dans lequel puisse réellement naître et se développer la personnalité et la liberté des hommes lui est parfaitement inconnue. »[4]
A l'inverse de cette conception, l'anarchisme définit la liberté comme un produit social, situé non pas au début mais à la fin de l'histoire humaine :
« Parti de l'état de gorille, l'homme n'arrive que très difficilement à la conscience de son humanité et à la réalisation de sa liberté. D'abord il ne peut avoir ni cette conscience, ni cette liberté; il naît bête féroce et esclave, et il ne s'humanise et ne s'émancipe progressivement qu'au sein de la société qui est nécessairement antérieure à la naissance de sa pensée, de sa parole et de sa volonté; et il ne peut le faire que par les efforts collectifs de tous les membres passés et présents de cette société qui est par conséquent la base et le point de départ naturel de son humaine existence. Il en résulte que l'homme ne réalise sa liberté individuelle ou bien sa personnalité qu'en se complétant de tous les individus qui l'entourent, et seulement grâce au travail et à la puissance collective de la société, en dehors de laquelle, de toutes les bêtes féroces qui existent sur la terre, il resterait, sans doute toujours la plus stupide et la plus misérable. Dans le système des matérialistes qui est le seul naturel et logique, la société loin d'amoindrir et de limiter, crée au contraire la liberté des individus humains. Elle est la racine, l'arbre et la liberté est son fruit. Par conséquent, à chaque époque, l'homme doit chercher sa liberté non au début, mais à la fin de l'histoire, et l'on peut dire que l'émancipation réelle et complète de chaque individu humain est le vrai, le grand but, la fin suprême de l'histoire. »[5]
Ou
« La définition matérialiste, réaliste et collectiviste de la liberté tout opposée à celle des idéalistes, est celle-ci : L'homme ne devient homme et n'arrive tant à la conscience qu'à la réalisation de son humanité que dans la société et seulement par l'action collective de la société tout entière; il ne s'émancipe du joug de la nature extérieure que par le travail collectif ou social qui seul est capable de transformer la surface de la terre en un séjour favorable aux développements de l'humanité; et sans cette émancipation matérielle il ne peut y avoir d'émancipation intellectuelle et morale pour personne. Il ne peut s'émanciper du joug de sa propre nature, c'est-à-dire il ne peut subordonner les instincts et les mouvements de son propre corps à la direction de son esprit de plus en plus développé, que par l'éducation et par l'instruction; mais l'une et l'autre sont des choses éminemment, exclusivement sociales; car en dehors de la société l'homme serait resté éternellement une bête sauvage ou un saint, ce qui signifie à peu près la même chose. Enfin l'homme isolé ne peut avoir la conscience de sa liberté. Être libre, pour l'homme, signifie être reconnu et considéré et traité comme tel par un autre homme, par tous les hommes qui l'entourent. La liberté n'est donc point un fait d'isolement, mais de réflexion mutuelle, non d'exclusion mais au contraire de liaison, la liberté de tout individu n'étant autre chose que la réflexion de son humanité ou de son droit humain dans la conscience de tous les hommes libres, ses frères, ses égaux.

Je ne puis me dire et me sentir libre seulement qu'en présence et vis-à-vis d'autres hommes. En présence d'un animal d'une espèce inférieure, je ne suis ni libre, ni homme, parce que cet animal est incapable de concevoir et par conséquent aussi de reconnaître mon humanité. Je ne suis humain et libre moi-même qu'autant que je reconnais la liberté et l'humanité de tous les hommes qui m'entourent. Ce n'est qu'en respectant leur caractère humain que je respecte le mien propre. Un anthropophage qui mange son prisonnier, en le traitant de bête sauvage, n'est pas un homme mais une bête. Un maître d'esclaves n'est pas un homme, mais un maître. Ignorant l'humanité de ses esclaves, il ignore sa propre humanité. Toute la société antique nous en fournit une preuve : les Grecs, les Romains ne se sentaient pas libres comme hommes, ils ne se considéraient pas comme tels de par le droit humain; ils se croyaient des privilégiés comme Grecs, comme Romains, seulement au sein de leur propre patrie, tant qu'elle restait indépendante, inconquise et conquérant au contraire les autres pays, par la protection spéciale de leurs Dieux nationaux, et ils ne s'étonnaient point, ni ne croyaient avoir le droit et le devoir de se révolter, lorsque, vaincus, ils tombaient eux-mêmes dans l'esclavage. » [6]

Les racines libérales de l'idéologie antispéciste

A partir des définitions précitées, nous souhaitons donc étayer notre affirmation. L'antispécisme s'inscrit dans une vision libérale de la liberté, de l'égalité, du droit et de l'individu. Le libéralisme ici, revoit au courant philosophique rationaliste issu des Lumières, qui pose la liberté humaine comme « naturelle » (et non comme le résultat de la vie en société), intrinsèque à l'individu conçu comme atome indépendant de la société et des conditions sociales. Ce courant philosophique considère la liberté à l'échelle individuelle, comme absence de contrainte de la part de la société, et la postule donc comme « infinie » indépendamment des conditions de sa réalisation.

L'égalité quant à elle est considérée au strict plan d'une égalité en droit. Le droit est lui considéré comme « naturel », c'est à dire comme un principe métaphysique existant indépendamment de la société, base d'une définition transcendante de la justice. En ce sens le droit « positif », c'est à dire la loi, n'est que la traduction d'un droit « immanent », existant indépendamment de l'histoire et des conditions sociales. Si le mouvement anarchiste a pu se référer à cette question du droit positif de manière tactique dans des luttes émancipatrices, il n'a jamais considéré l'égalité comme se réduisant à l'obtention de droits égaux. La question de l'égalité des capacités politiques, c'est à dire du pouvoir de décision, a toujours été centrale dans le socialisme libertaire, en lien avec celle de l'égalité économique et sociale (égalité d'accès aux ressources, égalité de considération/dignité) comme support de la liberté humaine.

C'est à partir de cette conception libérale de la liberté que l'antispécisme a développé la notion de « libération animale ». Les animaux non humains sont considérés comme des individus dès lors que l'individu est conçu dans la pensée libérale comme indépendant et antérieur à la société (d'où les mythes originels positifs ou négatifs de l'individu « vertueux » chez Rousseau ou « loup pour l'homme » chez Hobbes).

Or la pensée anarchiste, si elle refuse la séparation idéaliste entre êtres humains et animaux – définissant les êtres humains comme des « animaux sociaux », sur la base notamment de la théorie évolutionniste – insiste par ailleurs sur l'entraide intra-espèce comme facteur de l'évolution, puis définit la liberté comme un rapport social, et la société comme somme des relations sociales entre êtres humains.

Les animaux humains et non humains font ils-société ? A cette question, la pensée anarchiste répond par la négative, puisque la société n'est pas définie uniquement par l'existence de relations, ni même de la communication par le biais du langage mais par l'histoire et par le travail et sa dimension collective (une accumulation progressive de savoirs, d'expériences, sa transmission, mais aussi l'entraide intergénérationnelle...) qui permet aux individus de développer leurs capacités depuis leur naissance, passant de la dépendance absolue à leurs semblables à une relative autonomie individuelle qui est le produit du collectif.
« La fonction de créer et recréer continuellement la socialité en inventant, transmettant et modifiant des normes est par définition une fonction collective du genre humain, c'est-à-dire concrètement des groupes et sous-groupes qui le constituent. » [7]
En ce sens, parler de liberté en ce qui concerne les animaux, en l'absence de rapports sociaux, de société et de construction historique, revient à plaquer un concept abstrait, vidé de tout sens social, de la même manière que le fait n'importe quelLE libéralE.

De la même manière, la notion d'égalité animale, centrale dans l'antispécisme, n'a aucun sens social. L'égalité ainsi définie est réduite à la notion d'égalité en droit, évacuant toute dimension économique et sociale. Là encore on retrouve la dimension philosophique libérale, qui n'aborde la question des inégalité que par le biais de la discrimination, c'est à dire de la différence de traitement, conçue essentiellement hors de tout cadre social, et de toute pensée de système.

Oppressions ou Confusion ?

Revenons ici à la théorie antispéciste des 4 oppressions, selon laquelle le spécisme est comparable au racisme, au sexisme (on notera par ailleurs l'absence fréquente de toute référence à la question de classe, au capitalisme même si certains penseurs post-modernes parlent de « classisme » abordant la question des classes sociales et du capitalisme comme une simple affaire de « discrimination »), et dans certains cas au « classisme ».

Lorsque les antispécistes affirment :
« Le spécisme est à l'espèce ce que le racisme et le sexisme sont respectivement à la race et au sexe : la volonté de ne pas prendre en compte (ou de moins prendre en compte) les intérêts de certains au bénéfice d'autres, en prétextant des différences réelles ou imaginaires mais toujours dépourvues de lien logique avec ce qu'elles sont censées justifier. »
ils et elles proclament deux choses. D'une part (et à l'aide du terme « certains ») l'affirmation d'une individualité atomique des animaux, indépendamment des rapports sociaux ; et d'autre part une définition du racisme et du sexisme comme fruits d'une simple « volonté » individuelle de traitement, en évacuant toute dimension systémique au racisme et au sexisme, c'est à dire en dehors de toute analyse du racisme et du sexisme comme rapports sociaux produits par le patriarcat et le système de domination raciste. Bien loin d'amener une nouvelle dimension à la lutte contre l'oppression, une telle approche a plusieurs effets :
  1. appauvrir fondamentalement les théories et analyses de la domination, de l'oppression et de l'exploitation en les réduisant à une affaire de « volonté » ;

  2. introduire la possibilité d'un relativisme éthique en traçant une équivalence entre la domination, l'exploitation et l'oppression dans l'histoire humaine et les rapports des êtres humains aux autres espèce.
Au cours des premières années de développement de l'antispécisme en France, on a ainsi pu à plusieurs reprises constater les dangers de ce relativisme éthique. Peter Singer, principal promoteur de l'idéologie antispéciste, a ainsi pu sur cette base défendre une logique eugéniste et affirmer dans un entretien du : 01/10/2000 donné à La Recherche :
« Quand un handicap détecté avant la naissance est sévère, on autorise l'avortement : l'embryon, à juste titre, n'est pas encore considéré comme une personne pleine et entière. Mais le nouveau-né peut-il l'être davantage? Je ne le pense pas. On doit donc aussi autoriser de mettre un terme à la vie d'un nouveau-né qu'on découvre, à la naissance ou peu après, porteur d'un fort handicap.

Mais un tel argument soulève la difficulté de décider à quel moment un nourrisson devient une personne!

C'est en effet le vrai problème! La phrase que vous avez citée reste d'ailleurs valable si vous enlevez le mot handicapé : je ne pense pas que tuer un nouveau-né soit jamais équivalent à tuer une personne. Mais les gens citent cette phrase sans expliquer ce que j'entends par « personne ». Par personne j'entends un être capable de raison et possédant notamment ce sens de son existence dans le temps dont nous avons parlé. Cela étant dit, la question du passage de l'état de nouveau-né à celui de personne demeure. Ce passage est bien évidemment progressif. Mais on peut au moins affirmer que dans le premier mois de son existence, un nouveau-né n'est pas une personne. Un mois me semble donc un délai raisonnable à accorder aux parents pour décider si leur bébé doit continuer à vivre. »
A ce relativisme eugéniste on peut ajouter l'amalgame fait entre le génocide rom et juif et l'élevage industriel. Le principal argument des antispécistes pour justifier ce parallèle consiste à dire que de nombreux et nombreuses auteurEs, et notamment de déportéEs ou enfants de déportéEs, ont effectué ce rapprochement en déclarant que les nazis avaient traités les juifs et juives « comme des animaux », rapprochement qui a amené un certain nombre de juifs et juives à s'investir dans la lutte pour les droits des animaux. Or, et les antispécistes qui font ce rapprochement sont obligéEs de le reconnaître, il ne s'agit de leur part que d'une inversion purement formelle, qui aboutit à donner un sens fondamentalement différent à ce rapprochement.

Ce travestissement de la logique revient à dire que si « les nazis ont traité les juifs comme des animaux », il est tout à fait justifié de dire que la manière de traiter les animaux est équivalente, sur le plan éthique, au génocide juif et rom. Un relativisme éthique qui représente à notre sens un gouffre béant pour la guerre idéologique mené par celles et ceux qui banalisent le génocide. La stratégie révisionniste n'a pas nécessairement besoin de nier totalement le génocide juif et rom, elle peut se satisfaire tout à fait d'en faire un « détail » de l'histoire. C'est ce qui avait par le passé motivé la comparaison entre les bombardements sanguinaires de Dresde par les alliés et le génocide, un thème récurent dans le courant révisionniste. Grâce à la pirouette éthique et logique des antispécistes, le relativisme historique prend une toute autre dimension. Car si depuis que les êtres humains s'alimentent de manière carnée, on assiste à un « éternel Treblinka » dans lequel des milliards d'individus ont trouvé la mort, les génocides arméniens, juifs, roms, tutsi, sont ramenés au rang de détail, et l'impératif éthique créé suppose au mieux de subordonner tout à l'objectif prioritaire de l'arrêt de la consommation de viande carnée, au pire de considérer l'ensemble comme une fatalité sur lequel les êtres humains sont globalement impuissants.

Les antispécistes qui se revendiquent par ailleurs de courants progressistes ou libertaires (il en est qui se revendiquent explicitement du mouvement fasciste, ce qui a d'ailleurs suscité certains problèmes aux « progressistes » [8] ) se récrient bien entendu en disant que pour elles et eux, il s'agit d'un ensemble également condamnable, ou qu'ils et elles ne font que réaffirmer le génocide juif et rom comme étalon de l'horreur absolu en recourant à ce rapprochement. L'enfer est pavé de bonnes intentions...

Le résultat le plus immédiat et évident d'un tel rapprochement rend un service éminent à touTEs celles et ceux qui banalisent le génocide juif. Et ce ne sont pas les quelques cautions juives que brandissent les CAL ou PETA qui changeront la donne et l'effet de masse d'un tel rapprochement. Isaac Bashevis Singer, auteur de la formule « eternal Treblinka » utilisé par les antispécistes qui développent cette thèse, s'inscrit d'ailleurs dans une religiosité mystique anti-matérialiste qui explique la légèreté avec laquelle il opère ces rapprochements.

A l'opposé de cette vision mystique de la Shoah, les courants matérialistes au sein de la communauté juive, ont toujours développé une analyse matérialiste du fascisme, et notamment de l'antisémitisme, à l'opposé d'une telle mystique revisitée du « pêché originel ». Il n'est enfin pas non plus surprenant de constater que l'un des « défenseur des animaux » allemand mis en valeur par Patterson dans son ouvrage, Helmut Kaplan, a donné sans complexe une interview dans le journal d'extrême-droite allemand Fahnenträger pour traiter de ce sujet. Le même Kaplan a déclaré, (cette partie est citée en exergue du texte de Patterson) :
« Un jour, nos petits-enfants nous demanderons : Où étais-tu pendant l'holocauste des animaux. Qu'as-tu fait contre ces crimes terrifiants? Nous ne pourrons pas leur offrir la même excuse une seconde fois que nous ne savions pas. »
Les militantEs antispécistes qui se définissent comme « antifascistes » à l'instar du collectif des Panthères Enragées, sont bien obligéEs de reconnaître la présence fasciste conséquente dans les luttes animalistes, présence qu'ils et elles dénoncent, reconnaissant que ces luttes
« [...] sont gangrenées par la présence de militantEs et groupes racistes, homophobes et fascistes. »
Mais plutôt qu'interroger une idéologie relativiste qui donne un tel boulevard aux fascistes, ils et elles considèrent que
« Cette situation peut avoir plusieurs causes, l'une étant que les luttes sur les questions animales sont complètement délaissées par les militantEs anticapitalistes, anarchistes ou antifascistes, laissant toutes la place à la diffusion de ces idées nauséabondes sans réponse unitaire et puissante. L'autre cause est qu'une large majorité de cette lutte se fait pour la protection animale et non pour la libération animale, cloisonnant ce combat à une lutte à part sans objet politique ni intersectionnalité et acceptant donc sans problème la présence, le soutien, le financement de n'importe qui au motif que tout ne doit être fait et penser que dans le but de protéger les animaux. »
L'affirmation selon laquelle l'approche en terme de libération animale plutôt que de protection animale permettrait de décloisonner ce combat et de créer de l'intersectionnalité permettant de faire face à l'offensive fasciste nous semble totalement erronée : la notion de « libération animale » défendue par les antispécistes, le relativisme éthique que permet leur idéologie n'est non seulement pas un rempart au fait d'accepter sans problème la présence, le soutien, le financement de n'importe qui au motif que tout ne doit être fait et penser que dans le but de protéger les animaux, une telle posture en est au contraire la déclinaison la plus logique. Et le glissement que nous avons pu constater de l'immense majorité des groupes « libertaires » ayant historiquement adopté des positions antispécistes qui les a menés à progressivement réduire leur intervention concrète et leur activité politique au seul terrain animaliste – même quand ils proclament toujours la volonté de s'opposer à « toute forme de discrimination » – ne fait que confirmer la tendance logique qui découle de tels postulats idéologiques.

On peut ajouter à ce relativisme éthique vis à vis du racisme les mêmes raccourcis éthiques vis à vis de l'esclavage, la domestication des animaux étant allègrement comparée à l'esclavagisme.

Enfin, les mêmes dévoiement ont pu être observés concernant la question du féminisme. Ainsi avons nous pu être confronté localement à un militant antispéciste revendiqué, par ailleurs antifasciste nous affirmant que les fascistes pourraient faire « plus grave que violer une militante » à savoir tuer son chien.

On retrouve également les mêmes brèches idéologiques autour de la question de l'avortement, une partie du mouvement antispéciste, au nom de la « défense de la vie », rejoignant les thèses anti-avortement. Parmi celles et ceux des antispécistes qui se prononcent en faveur du droit à l'avortement, voire mettent en avant leur approche féministe ou pro-féministe, on retrouve néanmoins des ambiguités idéologiques qui ouvrent un boulevard à cette offensive idéologique. Ainsi le collectif des Panthères Enragées, qui se définit comme « Collectif Antispéciste, Antisexiste, Antifasciste pour la Libération Animale », compte dans ses trois points fondamentaux le « refus et combat de la destruction de la terre, de son exploitation criminelle : de sa colonisation jusqu'au de ses ressources naturelles. Défense de toutes ses formes de vie ». La défense de la vie est justement l'un des axes idéologiques centraux des anti-avortements. Si les Panthères Enragées affirment s'opposer aux fascistes et aux anti-avortements, ils leur ouvrent un boulevard idéologique.

De tels discours sont loin d'être anecdotiques, et témoignent de glissements idéologiques. Bien entendu, parmi les personnes qui se revendiquent antispécistes, un certain nombre désapprouvent de tels glissements, mais ils sont la conséquence logique des arguments antispécistes portés jusqu'à leur conséquence ultime.

PartisanNEs de la théorie des trois oppressions : Patriarcat, système de domination Raciste et Capitalisme/Étatisme, nous pensons que la théorie antispéciste, loin de renforcer idéologiquement et pratiquement nos luttes contre cette triple oppression, ne conduit qu'à les saboter en échouant à remettre en cause des rapports sociaux hiérarchiques, de domination et d'exploitation.

Nous rejoignons les propos d'un camarade américain actif dans les mouvements d'émancipation contre la triple oppression lorsqu'il dit :
« L'analogie centrale avec le mouvement des droits civiques et le mouvement des femmes a un effet banalisateur et est ahistorique. Ces deux mouvements sociaux ont été initiés et menés par les membres des groupes dépossédés et exclus eux-mêmes, pas par des hommes ou des blancs généreux-euses agissant pour leur compte. Les deux mouvements ont été construits précisément autour de l'idée de revendiquer et réaffirmer une humanité commune face à une société qui les en avait privé et le leur avait dénié. AucunE activiste des droits civique ou aucune féministe n'a jamais argumenté que « nous sommes aussi des êtres sensibles ». Ils ont argumenté que « Nous sommes aussi pleinement humainE ». La doctrine de la Libération Animale, loin d'étendre cette dynamique humaniste, la sape directement. » [9]
Le projet communiste libertaire que nous défendons repose sur le contrôle collectif exercé sur la production et la distribution des biens et services nécessaires à la satisfaction des besoins humains, ce qui suppose bien évidemment une réflexion sur les ressources. Les réflexions autour de la surconsommation locale de viande dans les pays occidentaux, liée aux impératifs actuels du système marchand, nous semblent tout à fait légitimes : elles portent sur les conséquences de nos choix de consommation et de production sur les ressources naturelles, notre environnement, c'est à dire les conditions matérielles de notre existence. Les réflexions éthiques qui peuvent fonder une pratique alimentaire individuelle, végétarienne ou végétalienne, nous paraissent également tout à fait légitimes, dès lors qu'elles relèvent d'une éthique individuelle, et non d'un projet sociétaire fondé sur l'imposition d'une norme sociale alimentaire sur les bases d'un relativisme éthique dangereux.

L'approche antispéciste, quand à elle, prend non seulement une dimension collective, mais éminemment politique, et en ce sens, elle repose sur des fondements idéologiques et porte un projet de société qui nous paraient totalement étranger à l'anarchisme.

Coordination des Groupes Anarchistes

Janvier 2014

Annexes disponibles dans le document pdf à télécharger sur le site de la CGA

1. Définition disponible sur le site des Cahiers antispécistes lyonnais, http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article13

2. Voir Charles Peatterson, Eternal Treblinka, Calmann Levy 2007, voir également le numéro de mars-avril 2002 de la revue « The Animals' Agenda » portant sur le thème, ou la campagne de PETA « The Holocaust on Your Plate » (cf. http://www.masskilling.com/, qui comporte une exposition itinérante mettant côte à côte des photos de victimes de l'Holocauste et de victimes de l'exploitation animale, ainsi qu'un spot télévisé. Voir également le compte rendu en PJ des discussions autour de la question lors d'un débat récent des Estivales de la Question Animale, http://www.question-animale.org/sites/default/files/Com...z.rtf

3. Amedeo Bertolo, Pouvoir, autorité, domination :une proposition de définition

4. Bakounine, Dieu et l'État

5. Ibidem

6. Ibidem

7. Amedeo Bertolo, op. cit.

8. Voir en Annexe le texte d'AIDA adressée aux cahier antispécistes, qui exprimaient leur désaccord avec la présence de militants d'extrême droite dans l'association.

9. Peter Staudenmaier, Communalism, Mars 2003

Related Link: http://www.c-g-a.org
author by Bobypublication date Fri Feb 14, 2014 20:29author address author phone Report this post to the editors

C'est vraiment du n'importe quoi ce texte. Rien de nouveau sous le soleil, les arguments repris sont éternellement les mêmes.
Il n'y a pas plus d'analyse et ce n'est pas en lisant 3 livres et en ciblant des passages aujourd'hui décrié par les antispés illes-même que cela change.
C'est comme si je disait que l'anarchisme est sexiste en citant du Proudhon ou du Bonnot...
Les antispés sont pour la majorité libertaire alors arrêtez cette guerre fratricide.
Relisez donc des classiques anar ET avec des passages antispés (même si à l'époque cela n'était pas dit comme ça) : Tolstoï, Louise Michel, Reclus, Rimbault...
On vous lisant on croirait lire des préjugés de citadin-es qui n'ont jamais assisté à la mise à mort d'un animal non humain ou qui n'ont jamais eu de lien affectif avec un animal non humain. Qui d'entre vous est capable de vivre avec un animal non humain, d'en prendre soin, de l'aimer puis de le tuer, le dépecer et le bouffer ?
Tuer un être qu'on ne connaît pas est facile malheureusement et c'est pour ça que les génocides sont de l'hystérie collective et peuvent avoir lieu avec la bénédiction ou l'indifférence de la majorité des peuples au courant. Par contre tuer un être qu'on aime est autrement plus difficile et celui qui le fait sans raison de survie collective le fait par folie meurtrière.

author by BErckman - CGApublication date Sat Feb 15, 2014 01:27author address author phone Report this post to the editors

Ce sont surtout les arguments victimaires des tenants de l'antispécisme qui sont toujours les mêmes, années après années, même si le discours a été "lissé" de ses aspects les plus ouvertement craignos.

Nous n'avons de toute évidence pas la même conception de l'anarchisme. Pour nous c'est un mouvement socialiste issu du mouvement ouvrier, pour le courant "libertaire" dont tu te revendique il s'agit de toute évidence d'un mouvement qui s'apparente à du "libéralisme radical".

La preuve en est les auteurs que tu cites comme référence : Rimbault, Tolstoi anarchiste ?
Le premier a fini marchand d'arme en afrique et le second est un idéologue chrétien de la nom violence.

Cette conception fourre tout de l'anarchisme c'est celle défendu historiquement par des idéologues bourgeois qui en font ainsi une posture philosophique inoffensive, sans aucune cohérence, uniquement basée sur un rejet abstrait de l'autorité et sur une revendication toute aussi abstraite d'une liberté d'essence libérale, considérant l'individu indépendamment de la société..

Quand à décrire Louise Michel et Elisée Reclus comme antispéciste, c'est tout simplement un anachronisme tout à fait classique chez les antispé.

Il existe un courant éthique végétarien et végétalien dans l'anarchisme qui fort heureusement ne se confond pas avec l'antispécisme, parce qu'il n'en partage pas les errances idéologiques.

Les livres et les auteurs en question (Singer, Reagan, Paterson) sont non seulements fondateurs mais également toujours cités comme référence par les militants antispécistes. Leurs conclusions logique sont tout à fait assumée aujourd'hui comme en montre les débats et positionnements adoptés lors des estivales de la question animale. Et il n'y a pas besoin d'aller chercher bien loin, il suffit de voir les discussions de ces dernières années, concernant par example la volonté de relayer la campagne de PETA "holocaust in your plate".
Pour le reste, l'antispécisme est précisément une idéologie de citadin, donc franchement c'est l'hopital qui se moque de la charité.

"Tuer un être qu'on ne connaît pas est facile malheureusement et c'est pour ça que les génocides sont de l'hystérie collective et peuvent avoir lieu avec la bénédiction ou l'indifférence de la majorité des peuples au courant. Par contre tuer un être qu'on aime est autrement plus difficile et celui qui le fait sans raison de survie collective le fait par folie meurtrière."

Franchement c'est encore l'illustration d'une approche complêtement abstraite et idéaliste des génocides par les idéologues de l'antispécisme, une approche qui considère qu'il s'agit d'une simple question de haine/amour, empathie/antipathie.

Bref, nous ne sommes pas d'accord, votre anarchisme n'est pas le nôtre. Nous en prenons simplement acte.

author by LUCpublication date Sat Feb 15, 2014 05:39author address author phone Report this post to the editors

Je ne suis pas très connaisseur des idées anarchistes mais il me semble effectivement que l'antispécisme et l'anarchisme n'ont pas grand chose à voir. Cela parce que l'anarchisme semble t-il place pour central l'idée de liberté alors que l'antispécisme prône une égalité de considération fondée sur la capacité à ressentir des sensations. En soi, il ne me semble pas incompatible de penser la liberté dans les rapport sociaux (dans les relations humaines) et en même temps de prôner l'égalité dans un sens plus large, à partir du critère de la capacité à ressentir des sensations et d'admettre que : la souffrance d'une vache importe autant que la souffrance d'un humain. On peut se préoccuper des êtres sensibles en général et de l'être humain, en particulier. Mais la réalité rend les choses plus complexes...

Alors effectivement, il est aisé d'accuser l'antispécisme d'être un relativisme moral dès lors que nous avons une conception anthropocentriste de la morale. Mais pour l'antispéciste, qui inclut l'ensemble des êtres sensibles dans ses préoccupations morales, ce sont les humanistes/anarchistes qui relativisent les souffrances immondes que la société humaine fait subir à des myriades d'être sensibles. Au nom la liberté des humains, que vous mettez au dessus de tout, il est permis de réduire les animaux à de simples ressources pour les humains. En ce sens, il y a incompatibilité. La liberté des humains, oui, mais pas au détriment des animaux. Réduire le végétarisme a une éthique individuel, à un choix personnel, en lui enlevant toute substance politique, c'est aussi lui enlever tout intérêt car il est alors (presque) sans conséquences.
Les antispécistes sont donc peut être un peu liberticide de votre point de vue, mais je pense qu'ils ont de bonnes raisons de s'opposer à la liberté d'exploiter et de tuer des animaux pour le simple plaisir de les manger, comme ils ont de bonnes raisons de s'opposer à la liberté de torturer des taureaux pour le plaisir de voir des corridas...

author by BErckman - CGApublication date Sat Feb 15, 2014 06:35author address author phone Report this post to the editors

Au moins les termes du désaccord sont clairs. Egalité "de considération" ou égalité économique et sociale. La conception diffère radicalement.
Dans le premier cas, on a un avatar moderne de la mystique chrétienne, qui ne voit pas l'égalité comme un rapport social, mais comme une simple attitude individuelle. On est dans un registre émotionnel qui se présente comme politique, une conception tout à fait idéaliste de l'éthique.
Tout cela reste par ailleurs tout à fait abstrait et trouve son aboutissement dans les élucubrations de Peter Singer qui l'amène à choisir de sauver "l'animal non humain" avant l'animal humain handicapé....
Un antihumanisme qui en pratique revient à prioriser la lutte contre la "souffrance animale" et à délaisser concrètement la lutte contre l"exploiration et l'oppression humaines bien réelles.

Par ailleurs il est toujours frappant de voir à quel point les antispéciste prètent des positions à leurs adversaires qu'ils n'ont pas, tout en refusant d'assumer celles qu'ils développent pourtant à longueurs de texte.
A aucun moment dans les textes que nous produit nous n'avons affirmer que l'utilisation des animaux comme ressources se justifiait "au nom de la liberté des humains". Il s'agit là d'une inversion argumentative. Nous refusons par contre la condamnation de l'utilisation des animaux comme ressource au nom d'une "liberté animale" qui n'a pas de réalité sociale, et relève d'une conception libérale de la liberté.
Les antispécistes sont décidément habitués à l'inversion des discours.

author by Le bouseux antispépublication date Sat Feb 15, 2014 21:52author address author phone Report this post to the editors

"Nous refusons par contre la condamnation de l'utilisation des animaux comme ressource"
Qui est libéral ici ?

Dire que les antispé-es font passer l'animal non humain avant l'humain est marrant car la plupart sont aussi dans les luttes sociales, écologiques...
Et citer Patterson comme auteur fondateur... Son bouquin éternel Tréblinka n'est parru il n'y a que quelques années... Je rigole bien. Et c'est comme dans tout mouvement, certain-es n'ont pas le temps ou l'envie de lire beaucoup et en restent à quelques livres faciles, court et de base. Pour reprendre ce qui a déjà été dit, Proudhon est une référence chez la majorité des anar-es peu formé-es. Et pourtant là c'est bel et bien un libéral et un sacré sexiste antisémite et raciste (comme presque tout le monde en son temps).

Dire que parler d'antispécisme avant que ce terme ne survienne est anachronique est bien réducteur. Ce n'est pas parce qu'une pensée change de nom qu'elle n'a pas existé avant. L'anarchisme par exemple existe depuis bien plus longtemps que la révolution industrielle. L'Histoire des peuples est plus compliquée qu'une succession de concepts. Vous devriez relire les mémoires de Louise Michel et voir comment elle parle d'égalité de considération et vous la banniriez de vos bibliothèque elle aussi. Et qualifier Tolstoï de chrétien c'est aussi très réducteur car il a été excommunié ce qui n'est pas le cas de nombreuses personnes se prétendant anar mais qui sont encore baptisé-es. Et confondre anarchisme chrétien et christianisme c'est un manque de franchise. Vous qui voulez voir l'évolution des individus (cf votre analyse fausse de Rimbault, j'y reviendrai) malgré le fait que "considérant l'individu indépendamment de la société" est mal, Tolstoï n'a pas été qu'un bourgeois philosophe sinon Kropotkine aussi l'était... Il a voulu libérer ses travailleur-euses et leur offrir la terre qu'illes travaillaient. Il a résisté au Tsar comme jamais ni vous ni moi on ne l'a fait contre un président. Et lui a fini comme clochard.
Quant à Rimbault du coup, j'ai bien rit car vous vous trompez d'homonyme. Il était certainement question de Louis Rimbault et non d'Arthur Rimbault. Louis étant pacifiste, anarchiste, végétalien et non violent, ça m'étonnait aussi qu'il ait fini dans le trafic d'arme...

Dire tout le temps "Nous" en revendiquant l'anarchisme c'est un peu se prendre pour les gardien-nes du mouvement. Quelle légitimité avez-vous de plus ? Vous niez toutes les tendances qui forment l'anarchisme : anarcho-communisme, anarcho-collectivisme, autonomes, chrétien-nes... On n'est pas un sur 100 et vous tirez sur vos frères et sœurs de luttes. Pour votre soit-disante analyse, il n'y a pas eu d'antispé-es d'invité-es je pense. C'est une décision unilatéral de dire "les vrai-es anar-es, c'est nous et pas elleux !".

Quant à dire que l'antispécisme est une idée de citadin-es bourgeois-es, c'est encore réducteur quand on voit le nombre qui vivent en campagne voir en ferme et qui vivent avec un revenu ( ou sans) surement bien inférieur à ce que vous touchez dans vos grandes agglomérations en allant bosser de nuit dans un abattoirs... L'antispécisme ce n'est pas que les panthère enragée. Dans la plupart des bleds de France, il n'y a pas assez d'anar pour que ce genre de conflit ou de scission interviennent alors on vit ensemble et cela se passe à merveille.
Heureusement qu'il existe des groupes, dans les départements trop petits pour que ce genre de conflit viennent polluer la lutte, où toutes ces tendances sont mêlées. Les CNT font la teuf et la lutte avec la FA et les antispé-es et tout le monde se respectent, prennent le meilleur dans toutes les tendances, pour avancer vers une meilleures compréhension du monde et donc une lutte plus efficace. Des végé en viennent à militer pour des sans pap', des syndicalistes deviennent vg...Je vais vous dire que du milieu rural, les guéguerres entre les CNT, les FA, les AL, les OCL... nous font sourire mais en même temps nous attristent beaucoup.

author by Guylepublication date Sun Feb 16, 2014 04:39author address author phone Report this post to the editors

Il y a aussi des fascistes dans l'écologie radicale. Est-ce pour ça qu'il faille délaisser cette lutte en tant qu'anarchiste ?
Il y a du bourgeois dans le mouvement espérantiste. Est-ce pour ça qu'il faille abandonner cette langue ?

Si tout Singer n'est pas à prendre, il n'y a pas que du mauvais non plus.

author by BErckman - CGApublication date Mon Feb 17, 2014 04:14author address author phone Report this post to the editors

La réalité pourtant c'est que l'immense majorité des groupes libertaires qui ont évolué vers une position antispéciste consacrent l'essentiel de leur activité aux luttes animalistes.

En général dans les luttes sociales et écologistes les positions défendues sont généralement très imprégnées de post-modernisme et s'apparentent plus à un libéralisme radical qu'à une position socialiste révolutionnaire.

Quand à Patterson, il est régulièrement cité et assumé par les militantEs antispé. Les positions qu'il défend sont largement partagées au sein du courant antispéciste.
A un moment il faut assumer aussi le discours qui est tenu et les conséquences de ce discours.

Proudhon était effectivement antisémite et mysogine, il a d'ailleurs été sévèrement critiqué en son temps sur ces deux points. A titre personnel, je pense, à l'instar des camarades sud africain auteurs de "Black Flame", que Proudhon est un penseur socialiste pré-anarchiste, et que le courant mutuelliste qu'il a influencé est distinct du mouvement anarchiste né au sein de la première internationale autour des positions bakouninienne.

Ceci étant dit, la différence essentielle ici c'est que personne dans le mouvement libertaire ne s'appuie sur cet aspect de sa pensée politique, et que rejoindre ses positions sur le fédéralisme n'implique nullement, sur le plan logique, avoir pour conséquence d'adhérer à ses positions mysogines et antisémites.
Par contre partager les positions de base de l'antispécisme équivalant sur le plan éthique la mort d'un animal non humain à celle d'un animal humain trouve sa traduction logique dans l'amalgame entre génocide et industrie de la viande, et donc à un relativisme éthique qui ouvre une voie béante au négationisme. Car si l'on admet la mort d'un "animal non humain" équivaut celle d'un "animal humain", alors que représentent les génocides à côté de l'industrie de la viande...
C'est cette équivalence qui pour nous est politiquement et éthiquement inacceptable.

Pour le reste, on retrouve le coeur de notre désaccord. Notre définition de l'anarchisme n'est pas la vôtre. Il ne s'agit pas pour nous d'un "fourre-tout", sans histoire. Libre à celles et ceux qui ne partagent pas notre définition de l'anarchisme d'élaborer la leur, (vous comme d'autres ne se privent d'ailleurs pas de la diffuser en la faisant passer pour la seule valable, grandement aidés en cela par tous les historiens bourgeois qui ont, sans surprise, exactement la même conception de l'histoire de l'anarchisme, un refus vague de l'autorité, au nom de la liberté abstraite de l'individu atomique, considéré hors de tout rapports sociaux) mais permettez que nous affirmions la nôtre.

Quant à la question ville/campagne, il y a quelques faits qui ne trompent pas : l'antispécisme en France a été diffusé par les "Cahiers antispécistes lyonnais", par des citadinEs. Que certainEs se soient installéEs à la campagne ou que certainEs ruraux/rurales aient été convaincuEs par leur thèses n'enlève rien à cette réalité.
A la rigueur cependant, cela n'est même pas le coeur du problème, je me contentais de répondre sur ce point au premier post. Il en serait autrement que cela ne changerait pas grand chose au fond

Pour ce qui est de Rimbaud, dont acte, mais franchement cela ne change rien au schmilblick.

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