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Quelques réflexions sur les libertaires au Chili et la participation électorale

category bolivie / pérou / Équateur / chili | mouvement anarchiste | opinion / analyse author Saturday January 04, 2014 01:58author by José Antonio Gutiérrez D. - Rafael Agacino Report this post to the editors

Analyse et réflexion sur les conséquences de la récente participation électoral d'un secteur du mouvement libertaire au Chili. [Castellano]
"One Size Fits All", caricature par Leonardo Ríos
"One Size Fits All", caricature par Leonardo Ríos


Quelques réflexions sur les libertaires au Chili et la participation électorale


La récente élection présidentielle au Chili , où l'abstention - plus de 50% - a été le vainqueur , était prévisible à part pour ce qui concerne l'émergence d'un secteur qui prétend être révolutionnaire et de la gauche libertaire au sein du le scénario politique et électoral. Le Réseau Libertaire ( Red Libertaria - RL ) a rejoint fermement et avec enthousiasme la plate-forme " Todos a la Moneda " (Tout le monde à La Moneda), dont le candidat était Marcel Claude [1] . Cette plate-forme a rassemblé l'Unión Nacional Estudiantil ( Union nationale étudiante - UNE), des secteurs syndicaux tels que SITECO (syndicat des mineurs ) et les employés de banque avec des courants politiques comme le Partido Humanista ( Parti Humaniste ) , Izquierda Unida ( La Gauche unie ) , le Movimiento Patriótico de Manuel Rodríguez ( le mouvement patriotique Manuel Rodríguez ) et RL.

Comme on peut l'imaginer , cette décision a produit un sentiment de malaise , d'inconfort et de désorientation dans les secteurs se reconnaissant comme faisant partie du mouvement libertaire , produisant des scissions, des récriminations et du découragement. Mais ce n'est pas seulement la décision elle-même de participer à une élection qui a produit cette réaction sismique dans le mouvement libertaire chilien , c'est la manière dont la décision a été prise ( avec des accusations de secret, d'imposition de slogans , d'un manque de transparence et débat , etc ) , ainsi qu'il ressort d'une série de déclarations produites par des scissionistes de l'Organización Comunista libertaria ( organisation communiste libertaire - OCL - Chili ) ( une organisation qui a été la force motrice derrière RL ) , par le Frente Anarquista Organizado (Front Anarchiste organisé - FAO) , le Corriente de Acción Libertaria ( Courant d'action libertaire - CAL ) et la Red libertaria Estudiantil ( Réseau étudiant libertaire - RLE ) [2] . Les conséquences de ce tremblement de terre politique vont sûrement encore se faire sentir pendant un certain temps.

Notre but ici n'est pas d'interroger la manière dont cette décision a été prise (ou imposée, selon qui parle) et ses implications pour le mouvement libertaire au Chili . Nous croyons que c'est la responsabilité de celles et ceux qui sont directement , organisationnellement liéEs aux expressions politiques qui ont créé RL ou celles et ceux qui s'en sont séparéEs.

Nous n'allons pas non plus nous occuper, principalement , de l'impact que cette décision a sur la zone spécifique qui se reconnaît comme faisant partie de la tradition anarchiste. Des articles intéressants à cet effet, en dehors des déclarations mentionnées ci-dessus , ont déjà été écrits par, entre autres, Arturo López et Pablo Abufom . [3] Nous allons encore moins nous consacrer à produire une analyse du programme de " Todos a La Moneda " ou des forces politiques qui ont soutenu cette plate-forme . Nous sommes intéressés, cependant, à évaluer l'impact que cette décision a sur un secteur beaucoup plus large de la population que celle représentée par cette plate-forme électorale et sur ​​un secteur beaucoup plus large que celui de la tradition libertaire , nous allons partager nos réflexions afin de contribuer au débat de nature tactique et stratégique dans ce processus de reconstruction du mouvement social au Chili .

Les libertaires et la question de la participation électorale

Les libertaires ont toujours été contre la participation aux élections par les révolutionnaires . C'est principalement ce qui les distingue des divers courants sociaux-démocrates dans la Première Internationale [4] . Cependant , il y a eu de rares cas où les anarchistes ont promus des candidats ou participé à des élections. Le cas des élections en Espagne en 1936 est souvent cité , mais il y a d'autres cas, comme certains candidats « de protestation » en Italie et en France à la fin des années 1870 et au début des années 1880 ( une tactique défendue par Carlo Cafiero dans son célèbre article « L "Action " , qui définit également la «propagande par le fait» ) . Dans l'atmosphère répressive qui avait englouti l'Europe après la répression de la Commune de Paris, Bakounine avait recommandé certains de ses partisans en Italie de participer à des plates-formes électorales avec les socialistes réformistes . La Fédération communiste libertaire de France ( FCL ) a également participé au milieu des années 50, dans un contexte de répression écrasante en France résultant de la guerre contre les sécessionnistes algériens, aux élections locales ( Ce que Georges Fontenis lui-même, principal meneur de ce groupe, a reconnu plus tard comme étant une erreur) [5] .

Cependant , le fait est que dans la grande majorité des cas, les anarchistes (la tradition politique qui a donné naissance au mot " libertaire ") ont été hostiles à la participation électorale et avec raison.

L'un de nous a écrit dans le passé que :
    " Les anarchistes ne sont pas en eux/elles-mêmes, par définition , contre les« élections » en tant que mécanisme ; si au cours d'une campagne électorale, nous appelons au vote nul ou à l'abstention, c'est à cause du contexte dans lequel ce vote est exercé : au sein de l'appareil d'Etat , qui valide ainsi sa domination sur celles et ceux d'entre nous qui sont excluEs du processus de prise de décision ( ... ) . Nous ne nous opposons moins au vote en soi, qu'à l'appareil d'Etat dans toutes ses dimensions ."[6]
Il n'est donc pas surprenant que cette décision de participer à la campagne électorale aie fait sensation et été la source d'un grand débat, surtout quand il est apparu que ce n'était pas quelque chose qui s'appliquerait seulement cette fois-ci, mais qu'il s'agissait d'une nouvelle tactique dans l'arsenal des méthodes que RL appliquerait rituellement à toutes les élections à venir [7] .

Le rituel électoral et la recomposition du bloc révolutionnaire

L'exception ne peut pas être considérée comme la règle. C'est pourquoi les raisons de la participation aux élections de ce secteur de la tradition libertaire ne doivent pas être recherchées dans l'idéologie mais dans la lecture qui est faite de la période historique, en comprenant, cependant, que la situation au Chili en 2013 n'est pas comparable à la répression ayant suivi la Commune de Paris (qui a sévèrement limité les possibilités d'action et d'intervention d'un mouvement ouvrier naissant), ou le contexte du plébiscite national chilien en 1988 appelé par la dictature , ou les conditions de la terreur imposées par la sale guerre au Kurdistan , encore moins les élections de 1994 en Afrique du Sud post-apartheid, pas plus que cette situation n'est la conséquence d'une stratégie de lutte armée ayant échouée.

La période qui a commencé en 2006 se caractérise par une hausse des mobilisations populaires et une fragmentation du consensus autour du modèle néolibéral qui a été imposé au cours des quatre dernières décennies . Dans ce contexte , les idées libertaires ont commencé à devenir de plus en plus influentes, surtout chez les étudiantEs (preuve en est la récente victoire électorale de Melissa Sepúlveda à la présidence de la Fédération Etudiante de l'Université du Chili – la FECH), mais aussi au sein des syndicats et, dans une moindre mesure , dans les zones urbaines pauvres . La gauche traditionnelle, réformiste ou révolutionnaire, et de nombreux secteurs organisés de la population , ne sont pas indifférents à cette ligne et sont un peu préoccupées à ce sujet .

Un secteur du mouvement libertaire a suggéré que les mouvements sociaux ont atteint leur pic- une thèse qui à notre avis est incorrecte - et que nous devons passer d'une stratégie de construction à celle de contestation de l'hégémonie du bloc du pouvoir, thèses - dans notre opinion - correctes mais un peu hâtives et pas assez nuancées . Ces thèses ont été formulés dans un slogan confus et élastique , la " rupture démocratique " , ce qui signifie essentiellement que l' " on peut conquérir et renforcer à travers le vote programmatique tout ce que la lutte populaire dans les syndicats , dans les quartiers , dans les communautés et dans le mouvement étudiant n'a pas atteint » [8]. Nous croyons qu'il est nécessaire de discuter les prémisses sur lesquelles se base ce slogan, parce qu'elles ne sont rien d'autres que l'expression d'une lecture erronée et précipitée de la réalité, au moyen d'éléments conceptuels mécaniquement tirés d'autres contextes et d'autres expériences , révélant le manque de maturité politique dans lequel nous nous trouvons toujours.

En ce qui concerne le premier point , la mobilisation sociale n'a pas atteint, que ce soit en termes objectifs ou en terme subjectifs , sa limite maximale . Les possibilités de mobilisation sont encore larges, et la nécessité de mobiliser les secteurs sociaux au-delà de certaines enclaves des étudiantEs ou des travailleurs/euses (minorités , quoi qu'elle puissent être " stratégique ") est toujours à l'ordre du jour. Cette mobilisation , qui devrait être étendue , unifiée par la base, renforcée en termes de militantisme et de combativité , est le point focal pour la reconstruction d'un mouvement populaire caractérisé par l'indépendance de classe ayant la capacité contester l'hégémonie du bloc du pouvoir, une tâche encore en cours. Dans le contexte de faiblesse actuelle du mouvement ouvrier et populaire, la participation électorale ( et la défaite ), au lieu d'ouvrir un espace pour contribuer à l'unité et de la lutte du peuple , tel qu'était l'intention de celles et ceux qui ont promu la candidature de Claude , a contribué à l'affaiblissement des efforts d'accumulation des forces de rupture . Une telle tactique, pour avoir un sens, ne peut être utilisée que lorsque qu'existe un état d' accumulation de forces, qui quel que soit le résultat, signifie l'accroissement du moral de la lutte, le renforcement de l'organisation du peuple et des travailleurs/travailleuses , et n'implique pas de céder l'initiative de la mobilisation aux réformistes, aux hésitants ou aux clairement réactionnaires. En d'autres termes , de se retrouver à la remorque des réformistes .

Dans les conditions actuelles , cette «aventure électorale » menace , au mieux, d'arrêter les processus de construction et de mobilisation politique et sociale pendant des mois et, au pire , de soumettre les aires d'influence de la gauche indépendante aux conflits et aux scissions, qui comme nous le savons font payer un lourd tribut au processus de construction et à la convergence des révolutionnaires. Comme indiqué dans une contribution concernant la ligne adoptée par RL écrit par Arturo López , "dans le contexte de la formation sociale de l'Etat capitaliste au Chili , ( ... ) toute réforme qui permette la transformation partielle mais substantielle de la tendance actuelle . d'accumulation et de son armure institutionnelle requière une organisation ininterrompue et permanente des forces sociales du changement. Par conséquent, les élections dans ce cas, ne permettent pas de créer une prise de conscience , elles créent de la confusion. Elles ne favorisent pas la lutte; au contraire, elles la paralyse après un mirage . Elle ne vise pas directement à la réalisation de conquêtes , mais dévie, remplace la mobilisation populaire par un obscur jeu parlementaire" [9] .

En ce qui concerne la nécessité de passer de la construction à la lutte , c'est une thèse correcte , mais un peu hâtive et pas assez nuancée. Bien que le processus de construction/lutte doit être considérée comme une unité dialectique, on peut accentuer l'un ou l'autre selon la période en cours et le Chili d'aujourd'hui porte encore les cicatrices profondes des défaites stratégiques rencontrées dans la période 1973-1990. Nous ne devons pas pécher par trop trop d'optimisme sur l'état de construction ou de militantisme du mouvement populaire ; la présence dans certains positions représentatives dans un syndicat ou les syndicats d'étudiantEs n'est pas un critère pour mesurer l'état de l'ensemble du peuple . L'enracinement dans les mouvements sociaux reste extrêmement faible et on ne peut pas prendre ses désirs pour une lecture objective de la réalité, même si un secteur du mouvement libertaire exagère sa propre importance et popularité .

Mais ce qui est certain, c'est que nous devons reconnaître la limitation objective qu'il ya eu dans le développement d'une stratégie révolutionnaire au Chili . Passer du slogan « construction du pouvoir populaire « («poder popular »), à sa construction dans les faits, et pour ce pouvoir entrer en conflit ouvert avec le statu quo était un trop grand pas à effectuer. Nous devons identifier les limites , les points de rupture , les forces sur lesquelles construire. Réfléchir sur les possibilités stratégiques dans cette période nécessite non seulement du réalisme, mais aussi une bonne dose de créativité politique si nous ne devons pas reproduire un système politique ( c'est à dire , le rituel électoral ) qui, bien que se présentant comme « nouveau », est en réalité une vieille lune et ne parvient pas à capter l'imagination des personnes qui restent indifférentes, tout en envoyant un signal ambigu à celles qui sont déjà en lutte.
Le taux de participation semble être une assez bonne preuve que ce qui avait vraiment atteint sa limite était l'imagination de la gauche révolutionnaire et libertaire.

Boycott des élections et construction du pouvoir populaire par en bas

L'Abstention , comme nous l'avons dit , est le grand gagnant de la dernière élection . En soi, cela ne veut rien dire dans une perspective d'accumulation de forces pour notre bloc. Personne , et surtout pas la gauche révolutionnaire ou anarchiste, peut prétendre que l'abstention est un signe de soutien politique. En effet, lors du premier tour, les appels incitant à l'abstention des organisations populaires et révolutionnaires étaient rares , en grande partie due à une certaine confusion et au découragement produit par le lancement de la candidature de Claude .

Il était difficile de se remettre de cet impact parce que dans un pays comme le Chili, il est entendu que on est impliquéE dans la politique seulement quand on vote ou propose des candidats, sinon, on est supposé rester en dehors de la situation ... Une vue étroite de la politique d'une part et la faible capacité pratique et organisationnelle de notre part de lancer un boycott actif de ces élections ont fait le reste .

Cette décision de participer aux élections, devient encore plus difficile à comprendre ( à partir d'une logique libertaire ou de la rationalité ) étant donné, comme nous l'avons dit , le fait que les idées libertaires ont un écho de plus en plus important dans de plus en plus de larges secteurs de la population et que la délégitimation de la coalition au pouvoir et les institutions publiques a atteint un point historique. Au lieu de contribuer à aider avec des outils visant à forger une alternative politique en dehors de l'arène politique habilement conçu par le bloc au pouvoir ( dans le but de rendre confus et de paralyser le terrain réel sur lequel se mène la lutte de classe ), cela a contribué à légitimer les institutions dans le petit mais significatif cercle d'influence que (le mouvement libertaire) avait , et ainsi de renforcer la dissociation entre le «politique» [10] et le «social» , même si le contraire était initialement prévu [11] . Même le nom de la plate-forme électorale lui-même , " Tout le monde à La Moneda ", a exprimé dans une certaine mesure ce fétichisme du «pouvoir politique» , cette « statolâtrie " que Poulantzas décrit comme endémique dans les classes moyennes, qui voient l'État comme arbitre , neutre , respectueux de la loi, le résultat d' un contrat social qui va au-delà de la lutte des classes, la source de tout pouvoir [12] , alors que dans les faits la compétition pour le pouvoir, pour l'hégémonie, est aux mains de la bourgeoisie dans tous les aspects de la vie, dans des espaces beaucoup plus quotidiens.

Sur ce point , la critique anarchiste continue à être puissante et pertinente pour critiquer la logique de l'Etat " démocratique représentatif " , qui se reflète dans le jeu électoral à travers la création :
" d'un espace artificiel , ad hoc et fictif , dans lequel la sphère politique est supposée être pris en charge, dans lequel l'administration du pouvoir a lieu ( ... ) c'est là que le cœur de la critique des anarchistes sur cette forme de l'exercice du politique devrait être : car à notre avis , le pouvoir doit être exercé par les personnes concernées , dans les espaces du quotidien , dans tous les domaines de notre existence ( ... ) c'est pourquoi le pouvoir populaire doit lui faire face de la même manière, en prenant le contrôle de nos propres vies entièrement . ( ... ) la non-participation aux élections bourgeoises ne peut pas être considérée comme une des bases politiques de militantisme anarchiste révolutionnaire, mais il doit plutôt découler naturellement de notre stratégie de construction au sein de la classe ouvrière » [13] .
C'est pourquoi nous soutenons que, dans la perspective de la recomposition d'un bloc révolutionnaire ainsi celle stratégique de la construction du pouvoir populaire par en bas, la tactique la plus efficace, mais qui n'est en aucun cas une tâche facile, à l'heure actuelle et à la lumière de ce qui arrive avec le nouveau gouvernement de coalition de Bachelet , était un boycott électoral . Qu'aurait signifiée une politique d'abstention active dans la situation actuelle ?
  • dénoncer le chant des sirènes de la « nouvelle majorité » [ * ] qui nous pousse à participer comme des «citoyens» responsables, et d'autre part , l' illusionnisme de ces secteurs de la gauche radicale (et libertaire ) qui essaient de nous convaincre que, bien qu'il n'appellent pas à voter au second tour , le chemin de la participation électorale dans les institutions existantes reste valables pour la période ;

  • appeler à l'organisation à tous les niveaux : écoles, lycées, universités , lieux de travail, dans les quartiers et les communautés , autour de revendications locales de la population et des travailleuses et travailleurs , en proposant à la place des rythmes de la politique bourgeoise notre propre alternative pour la construction par le bas ;

  • appeler à accélérer les processus de convergence politique et sociale vers un point de référence fédérateur , tout en respectant la vitalité et la spécificité des organisations de base, aider à unifier et à amplifier la voix et l'opinion politique de celles et ceux d'entre nous qui optent pour la construction du pouvoir populaire dans ses diverses expressions, coordonner horizontalement les différentes initiatives populaires, à la base. Une tâche ardue, mais qui doit être assumée sans solutions de facilité, avec comme perspective le fait que la tâche de recomposer le mouvement populaire et révolutionnaire est une tâche lente, prolongée , pour laquelle il n'existe pas de raccourcis possibles, ce qui nécessite de poser des fondations solides pour développer des niveaux de confrontation et d'organisation qui peuvent éroder l'hégémonie néolibérale actuelle.

Prévisions politiques pour la période post-électorale

RL a fait valoir que " Tout le monde à La Moneda " ne serait pas un espace purement électoral , mais un pôle de construction (c'est à dire d'en haut) pour la lutte de celles et ceux d'en ba. Le fait est qu'après les élections , le paysage politique de la gauche révolutionnaire, relativement à ce qu'elle était supposée réaliser sur les plans de l'unité et de l'organisation , n'a pas sensiblement varié par rapport à la période précédant les élections - les mêmes secteurs travaillent encore dans les mêmes espaces comme précédemment. En effet , le secteur libertaire et son cercle d' influence ainsi que la gauche radicale à laquelle la candidature de Claude a essayé de faire appel , est désormais plus fragmenté, en proie à de nouveaux soupçons et une nouvelle la méfiance. Dans la même plate-forme électorale, les querelles et les disputes intestines ont épuisé les objectifs stratégiques de l'espace , un fait sans aucun doute exacerbé par le goût amer de la défaite .

RL lui-même reconnaît sans équivoque que la très mauvaise performance électorale de la plate-forme est un échec: « Le vote de 2,8 % est bien en deçà des attentes , même les plus pessimistes " [14]. La défaite , cependant, n'est pas seulement électorale, comme RL semble le considérer- elle est stratégique, profondément politique, l'expression de l'incapacité à créer un projet qui aie été adapté aux conditions actuelles au Chili , en dehors et en opposition avec les rituels de l'auto- légitimation de la démocratie représentative et des institutions de l'Etat ( Etat bourgeois , par ailleurs) . Bien que nous ne pouvons pas surestimer la taille de la population critique sur la base de l'ampleur des récentes mobilisations sociales, nous ne devrions pas confondre la nécessité de construire une alternative politique à l'intervention dans les institutions ( néo-libérales ) de l'Etat : la logique de la recomposition du mouvement populaire a eu tendance à chercher des alternatives dans l'action directe , dans l'organisation horizontale, à la base. C'est cela, plus que tout, qui est la contribution réelle que les libertaires peuvent apporter à la lutte du peuple aujourd'hui. Paradoxalement , des voix apparaissent dans l'espace " libertaire ", appelant à la participation électorale dans le institutions usées, discréditées , ce qui est sans aucun doute un recul.

La période politique qui commence au Chili augure de grandes complexités pour les classes dirigeantes et le mouvement populaire . Le bloc de pouvoir doit réorganiser un système politique de plus en plus usé et il fonctionnera - et les peuple le sait - avec la carotte et le bâton . Il va essayer de coopter le mouvement populaire et les travailleuses et travailleurs afin de légitimer les ajustements qui seront nécessaires à cette réorganisation , comptant désormais explicitement sur ​​le consentement de la direction politique obséquieuse du Parti communiste . Nous savons aussi que celles et ceux qui ne se soumettent pas aux règles de la «république» seront soumis à toute la force que l'Etat répressif réserve à ceux qui refusent de se contenter de l'existant et s'accomoder de la reproduction de l'exploitation, de la discrimination, de l'inégalité, de l'injustice , de la corruption et de la destruction des bases socio-environnementales de la vie collective . Les franges de la gauche indépendante , qu'elles soient communautaires , marxistes , libertaires ou socialistes , ne peuvent plus continuer à être égocentriques : elles doivent augmenter leurs liens avec le mouvement ouvrier et populaire , multiplier leurs efforts pour accélérer le processus de convergence politique et sociale et créer les conditions politiques pour reprendre l'initiative et ouvrir le chemin à travers les fissures qui affectent la domination politique imposée par le capital à partir de la contre-révolution néo- libérale en 1973 .

Ce ne sont pas des tâches faciles . L'unité sur laquelle les libertaires ont tellement insisté aujourd'hui devient non seulement nécessaire, stratégique, mais urgente . Le débat n'a jamais porté sur l'unité - il s'agit de ce que l'on entend par unité, comment elle se développe , comment elle est construite. C'est là où le communisme anarchiste chilien a apporté une grande contribution lorsque le Congreso de Unificación Anarco - Comunista ( Congrès d'unificaton anarchiste communiste - CUAC ), en 2002, a soulevé un slogan qui est maintenant plus que jamais d'actualité : l'unité par en bas et dans la lutte. Par cela, on entend " construction programmatique à partir des expériences organisationnelles et expériences découlant de véritables luttes existantes, ", qui contribue à «renforcer les organisations populaires, les vrais sujets de la lutte révolutionnaire (...) mettant l'accent sur le rôle politique de première main du même peuple organisé dans la tâche de maturation de sa position et l'amélioration de ses capacités de combat » [15] , comme Paul Abufom le souligne avec éloquence .

Ces débats concernent l'ensemble du peuple , en particulier sa frange organisée et en lutte. Comment projeter les revendications du mouvement populaire vers une alternative qui fournit une rupture nette avec le système actuel ? C'est une tâche urgente qui ne peut être réalisée qu'à travers un débat approfondi et public, collectif, démocratique et informé, dans lequel les différences sont respectées et discutées en recherchant un terrain commun d'accord et en apprenant à connaître et respecter les différences, à forger un consensus et non à l'imposer. De nombreuses questions doivent encore être résolues à ce stade pour les révolutionnaires : comment aborder la lutte pour des réformes au-delà du réformisme ; comment articuler ces luttes dans un projet socialiste complet et libérateur, ou comment construire des processus d'unité sans renoncer à l'indépendance de classe , comment avancer dans la construction du pouvoir populaire, mais éviter la cooptation, comment enrichir ces luttes avec plus de débat politique et pas cacher nos identités politiques comme si nous en avions honte, comment forger des mouvements de masse sans avoir de crainte si nos positions ne sont pas toujours majoritaires . Tout cela , bien sûr , va au-delà du sujet de cet article . Dans ce débat collectif , théorique et pratique dans lequel toute la gauche révolutionnaire doit s'engager, cependant, nous croyons que les communistes anarchistes ont un rôle clé à jouer et une contribution très particulière, unique, à faire .

José Antonio Gutiérrez D.
Rafael Agacino

23 Décembre 2013

Traduction par les Relations Internationales de la Coordination des Groupes Anarchistes


Notes:

(1)http://www.elciudadano.cl/2013/07/01/72475/declaracion-...aria/
(2)http://anarkismo.net/article/26441
http://anarkismo.net/article/26283
http://anarkismo.net/article/26394
http://www.elciudadano.cl/2013/11/04/97420/declaracion-nacional-de-ocl-ex-ocl-chile/
(3)http://www.perspectivadiagonal.org/una-izquierda-libert...aria/ et http://www.perspectivadiagonal.org/los-horizontes-del-m...ario/
(4) Bien entendu , ce n'était pas la seule chose qui distinguait les " bakouninistes " des "marxistes" , et la différence tactique ne devrait pas non plus être considérée indépendamment des autres facteurs de dissension. Le débat qui a conduit à l'effondrement de la Première Association Internationale des Travailleurs était un peu plus complexe que «pour ou contre les élections ". Il y avait aussi des questions de méthode, l'autonomie des sections pour élaborer des tactiques , les questions qui en découlaient, et donc ce n'est pas tout le secteur qui allait plus tard former le secteur «anti- autoritaire» (par opposition à celui mené par Marx) qui évoluera vers l'anarchisme .
(5) . Laissons de côté la discussion des idées du municipalisme libertaire développées par l'écologiste social et anarchiste américain Murray Bookchin dans les années 80 , qui ont été particulièrement influent dans le mouvement de libération kurde , dès lors que son développement répond à des éléments totalement différents de ceux mis en avant par RL . Dans un article très nuancée et pesé, libre de tout dogmatisme , Ulises Castillo aborde la question du municipalisme libertaire :
"Je crois qu'il est inutile de rejeter dans l'avenir ce qui pourrait maintenant être considéré comme une fiction, c'est-à- des institutions intermédiaires, comme les municipalités, qui pourraient permettre de disperser le pouvoir de l'État, et pourraient en même temps renforcer les communautés politiques organisées, dans un processus de transition vers un nouveau mode de vie et l'organisation socialiste de la société. Une telle possibilité ne doit pas être rejetée d'emblée. Mais c'est précisément l' autisme institutionnel actuel, en plus de la nature de l'État au Chili, qui nie cette possibilité qui pourrait conduire à renforcer cette institutions même en donnant une légitimité à la fiction représentative. " http://www.perspectivadiagonal.org/los-libertarios-y-la...ados/
(6) http://www.anarkismo.net/newswire.php?story_id=8565
(7) http://www.sicnoticias.cl/movimiento-social/2013/12/10/...neda/ .
(8) . http://www.perspectivadiagonal.org/una-izquierda-libert...aria/ L' article dans lequel la thèse de la rupture démocratique a été développée avec la plus grande clarté conceptuelle est celui Felipe Ramírez http://www . perspectivadiagonal.org / una - apuesta - revolucionaria -de -la- izquierda - libertaria /
(9) . http://www.perspectivadiagonal.org/una-izquierda-libert...aria/ ( souligné dans l'original )
(10) . Assimilée à «l'état» .
(11) . http://www.elciudadano.cl/2013/07/01/72475/declaracion-...aria/
(12) . Nicos Poulantzas , " Fascisme y dictadura " , Ed . Siglo XXI , 2005, pp.282 -284 .
(13) . http://www.anarkismo.net/newswire.php?story_id=8565
(14) .http://www.sicnoticias.cl/movimiento-social/2013/12/10/...neda/
(15) . http://www.perspectivadiagonal.org/los-horizontes-del-m...ario/

* Nueva Mayoría , la coalition qui soutient Bachelet et composé du Parti socialiste ( PS ) , du Parti démocrate-chrétien ( PDC ) , du Parti pour la démocratie ( PPD ), du Parti radical social-démocrate ( APES), du Parti communiste du Chili ( PCCh ) , de la Gauche citoyenne ( IC ) et du Mouvement social large ( MAS ) .

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