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Système Doux: Tout le monde y perd des plumes

category france / belgique / luxembourg | environnement | opinion / analyse author Tuesday December 18, 2012 05:39author by Alternative Libertaire - Commission Ecologie Report this post to the editors

Une catastrophe sociale se joue dans les usines Doux en ce moment. Des suppressions d’emplois dans un groupe connu pour ses conditions de travail déplorables pour la production de volailles dans ce qui se fait de pire dans l’agro-industrie. Retour sur la lutte sociale et ses perspectives écologiques.
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Le groupe Doux, premier producteur européen de volailles avec 3400 salarié-e-s en France et de 700-800 aviculteurs intégrés dans ses filières de production - est dans la tourmente. Les restructurations se sont succédées. Les dizaines de millions d’euros d’aides à l’exportation des fonds européens n’ont pas empêché le groupe de réduire au fil des ans l’emploi, de compresser les salaires des employé-e-s et les revenus des aviculteurs.

Un terrible drame social est en train de se jouer cet été pour des milliers de familles de Bretagne et plus largement de France. Un grand nombre des 800 aviculteurs qui fournissent en volailles les usines n’ont pas été payés pendant des mois. De même les retards de salaires se succèdent.

L’endettement du groupe qui atteint plusieurs centaines millions d’euros s’explique par une politique expansionniste, par la pression de la grande distribution, le rachat de groupe étrangers, la hausse du prix des céréales. Ce qui a provoqué sa mise en liquidation judiciaire le 1er juin.

La lutte s’organise

La mobilisation des salariés s’organise dans chaque site du groupe avec des rassemblements Ainsi, par exemple, l’intersyndicale Cfdt-Fo-Cgt-Cftc a appelé le samedi 30 juin à un rassemblement à Vannes pour le maintien des emplois, la sauvegarde de l’outil de production, pour refuser le démantèlement du groupe et exiger la reconnaissance des salarié-e-s et de leurs organisations ,le jeudi 12 juillet un défilé depuis l’usine Doux de Pleudaceuc (56) a rassemblé environ 500 personnes salarié-e-s, élu-e-s, habitant-e-s. Les commerçant-e-s ont baissé leurs rideaux pour témoigner de leur solidarité. Une opération escargot a ensuite été mené jusqu’à Vannes (7 kms de bouchon).

L’intersyndicale, consciente de l’influence de la famille Doux à Quimper, y compris au sein du Tribunal de Commerce, a demandé le dessaisissement de ce Tribunal, en faveur d’une « juridiction professionnelle ».

Les représentant-e-s des salarié étaient toutefois convoqué-e-s mardi 17 juillet pour examiner le plan social envisagé par les candidats à la reprise du groupe et par le plan de continuation de Charles Doux, plan rejeté par les syndicats, au regard de la pauvreté du plan de sauvegarde de l’emploi associé. Mercredi 1er août, le tribunal de commerce de Quimper a annoncé deux décisions. D’une part, il a accepté le plan de continuation des activités « poulets export » et « produits élaborés » du groupe Doux associé à la banque Barclays, qui maintiendrait 2 450 emplois … pendant une période d’observation qui se poursuivra jusqu’au 30 novembre avec un engament de Doux à hauteur 2 millions d’euros au plan de sauvegarde. D’autre part il a prononcé la liquidation du pôle frais du groupe et a entamé l’examen des offres de reprise partielle. Au final la décision du tribunal entérine la suppression d’un millier d’emplois sur les 1 700 du pôle frais avec la fermeture pure et simple de trois sites : Graincourt (Pas-de-Calais), La Vraie-Croix (Morbihan), pour le personnel administratif, et Pontet (Vaucluse).

Pendant l’audience, quelque 200 salariés de Doux ont manifesté leur « colère » devant les grilles du palais, à l’appel des syndicats CGT, FO et CFDT. Le comité d’entreprise (CE) du site de Châteaulin (Finistère) - siège social du groupe - a saisi le procureur de la République de Quimper. Selon l’avocat du CE, ce dernier « constate qu’il y a un faisceau d’indices tels qu’un endettement extrêmement important depuis plusieurs années, des alertes des commissaires aux comptes restées sans suite ou des versements extrêmement importants de dividendes alors que la société était déjà quasiment en faillite […], laissant penser qu’il a pu y avoir des fautes de gestion graves », a expliqué Maître Riera. Malgré cela, la famille Doux, 146ème fortune française, refuse de puiser dans ses biens pour sauver son groupe. Alors que ses revenus ont augmenté de 18% entre 2010 et 2011 quand, en 2008 chaque employé-e-s a perçu au titre de la participation au bénéfice 83 centimes !

Un modèle à revoir

Cela fait des années que la famille Doux, un des rares gros employeurs en milieu rural en Bretagne, joue de son poids lourd dans l’économie pour exploiter ses salarié-e-s, pomper des subventions et faire la loi sur le marché de la volaille non labellisée et de la malbouffe. Le groupe Doux s’est maintenu jusqu’à présent en se tournant massivement vers l’exportation (Arabie Saoudite, Qatar, Russie, Chine…) coulant au passage l’aviculture locale en Afrique. Il a inondé le marché français de volailles brésiliennes pour déstabiliser le marché et ses propres fournisseurs locaux !

Il est connu pour ses usines aux conditions de travail d’un autre âge (chutes, heurts, TMS [1], coupures), par l’absentéisme record du personnel, par le non-paiement de temps de pause, par la répression sur les équipes syndicales, par ses salaires proches du SMIC …). L’usine père Dodu de Quimper par exemple a connu un taux de fréquence des accidents du travail de 98,88% une année [2] !

Pour la Confédération paysanne « Doux a accaparé les deniers publics : plus d’un milliards d’euros en 15 ans. C’est la faillite d’une politique agricole qui ne tient pas compte des paysans et de l’emploi ». Pour nous communistes libertaires le système Doux c’est la quintessence de l’exploitation ouvrière et paysanne (travail à la chaîne, élevage concentrationnaire …) en milieu rural. C’est un exemple de plus de la connivence entre pouvoirs public, bourgeoisie locale et actionnariat.

Pour les paysan-ne-s, les travailleuses et les travailleurs concerné-e-s, la crise du groupe Doux est porteuse d’une forte contradiction que le système médiatique occulte complètement : La nécessité du combat pour le maintien de l’activité et de l’emploi – simplement « parce qu’il faut manger » – est seule mise en avant, alors que la nécessité de ne plus travailler dans des conditions déshumanisées et en étant mal payé n’est même pas imaginé. Pas plus que n’est mentionné le fait qu’il faudrait en finir avec des méthodes de production et avec une agro-industrie coupable de multiples pollutions et d’une alimentation humaine de mauvaise qualité …Quant au bien être animal, il est tout simplement … ignoré …"

D’ailleurs, de même que tous ces licenciements sont des conséquences d’une économie dominée par une petite minorité, et qu’en conséquence un réel combat contre la précarité et le chômage passe par une remise en cause de l’organisation capitaliste du travail, de même les destructions imposées à la nature continueront tant que cette minorité de privilégiés aura les moyens d’imposer ses décisions via les structures étatiques.

Convergence sociale et écologique

Aussi le système Doux devrait être un exemple parfait d’une possibilité de convergence entre les luttes sociales et les luttes écologiques … Encore faudrait-il qu’il existe une volonté politique pour poser les bonnes questions et défendre une logique de convergence entre les luttes écologiques et les luttes sociales.

La nécessaire solidarité avec les travailleurs et les travailleuses de Doux menacé-e-s d’être jeté-e-s au chômage trouverait un prolongement bien plus efficace par une remise en cause conjointe des dégâts capitalistes. Une convergence capable d’imposer des avancées vers une mutation du secteur d’élevage de volailles, basé sur des fermes familiales et sur des installations décentralisées de préparation de la viande. Ce qui se traduirait pas plus emplois, de meilleures conditions de travail, un respect de l’environnement, … tout cela pouvant être financé en se réappropriant collectivement les profits capitalistes.

Ce qui aujourd’hui peut apparaître comme un doux rêve … ne pourra se concrétiser que si une telle perspective est portée largement au sein de la paysannerie et de la classe ouvrière. Les organisations syndicales majoritaires ne sont pas, loin s’en faut, sur une telle ligne. Raison de plus pour ne pas perdre de temps et défendre cette logique partout autour de nous, aussi bien en direction de nos camarades de travail qu’au sein de nos organisations syndicales, là où c’est possible.

Commission Ecologie d’Alternative Libertaire


[1] TMS : trouble musculosquelettique.
[2] Selon Raymond Gouines, délégué syndical CGT, en moyenne, pratiquement un accident du travail par an et par salarié.

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