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Gestion des risques: Le seuil acceptable pour mourir

category international | environnement | opinion / analyse author Tuesday March 06, 2012 19:27author by Commission écologie d’AL - Alternative Libertaire Report this post to the editors

L’anniversaire des 25 ans de Tchernobyl n’aura pas empêché le ballet d’experts de marteler qu’il existe un seuil en deçà duquel l’irradiation nucléaire est anodine pour la santé. Une fois ce dogme accepté, il est aisé de faire croire que l’ensemble de la filière nucléaire est sûre en toute situation. Décryptage.
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La radioprotection [1] repose en partie sur le mythe d’un contrôle de la contamination radioactive par la répétition des mesures et la définition de seuils de contamination. Il est difficile de fixer ces normes dont l’impact dépend aussi bien de la nature du rayonnement que de la durée et du mode d’exposition du produit fissible. Les corps radioactifs, instables, libèrent en se désagrégeant différents types d’émission et la confusion est entretenue entre les différentes sources d’irradiation naturelle et artificielle. Cependant, les isotopes radioactifs produits par les industries différent de ceux qui existent dans l’environnement et interagissent différemment avec le vivant. La multiplicité des mesures donne l’apparence d’une surveillance étroite qui ne peut être globale dans la mesure où les contaminations varient dans le temps et l’espace. En janvier, un laboratoire de Tokyo a été pointé du doigt comme utilisant des tests non reconnus par la médecine [2]. Se pose ici la difficile question de la surveillance en santé environnementale [3] surtout dans le contexte du puissant lobby nucléaire. Nous sommes exposés en permanence à des rayonnements naturels et artificiels. L’impact d’une exposition directe et quantifiée sur le vivant est relativement connu. Il existe peu d’études fiables sur les effets à long terme d’une exposition faible mais chronique.

Des seuils arbitrairement augmentés

La désinformation systématique dans le nucléaire est couplée au refus de réaliser des études épidémiologiques sérieuses sur le sujet. Par exemple, une étude récente réalisée en France relève une sur-incidence statistique de leucémie chez des enfants vivant dans un rayon de moins de 5 km autour des dix-neuf sites nucléaires [4] sans mettre en cause directement l’irradiation. Le cas des catastrophes suffit à démontrer si on en doutait la dangerosité du nucléaire.

Qui a oublié que le nuage radioactif de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière française ? Les conséquences à long terme de cette catastrophe sont partiellement connues : un million de morts par cancers avec un nombre élevé de malformations infantiles… [5] Combien de morts à terme dans une région huit fois plus dense que les 4 millions d’habitants de Tchernobyl ?

Un exemple cruel de gestion du risque

Au Japon, le pouvoir politique préférant masquer la gravité de la situation n’a pas évacué des villes avec des taux de radioactivité supérieurs à ceux ayant justifiés l’évacuation des villes proche de Tchernobyl. La gestion de la crise par les autorités japonaises et l’industriel Tepco, a été inexistante !

Les seuils d’exposition ont été augmentés arbitrairement pour les populations de la province et pour les « décontaminateurs » afin de les adapter à la gravité de la situation. Cette logique bureaucratique et comptable s’est compliquée par l’impossibilité d’évacuer la population insulaire et par la compromission des élites avec le lobby du nucléaire. Seuls sont restés sur place ceux qui n’avaient pas les moyens de fuir. Il faut se rappeler que les centrales nucléaires japonaises furent construites dans les zones les plus pauvres et les moins combatives.

La plupart des 160 000 Japonais évacués après la catastrophe attendent toujours des indemnités de la part de Tepco. Celui-ci va jusqu’à refuser sa responsabilité dans la contamination en déclarant qu’elle doit être gérée par les propriétaires terriens. De plus, le quotidien japonais Mainichi révèle que le gouvernement voulant redémarrer les réacteurs aurait volontairement caché au public que la capacité de production électrique pendant l’été était suffisante pour permettre l’arrêt des centrales. La catastrophe de Fukushima est un exemple cruel de la gestion du risque nucléaire au prix d’un nombre incalculable de morts, de malades et de souffrances pour le profit des actionnaires. Le nucléaire entretient le mythe de l’abondance énergétique et empêche la réflexion nécessaire sur nos modes de vie.

C’est bien avant ce genre de drame qu’il faut questionner le modèle de développement capitaliste. La socialisation de la production énergétique que nous défendons nécessite une réorganisation radicale mais progressive de nos sociétés que nous pouvons appeler décroissance, relocalisation de l’économie ou municipalisme libertaire. L’austérité n’est pas une fatalité, ni l’utopie d’ailleurs.

Commission écologie d’AL


[1] L’ensemble des mesures prises pour assurer la protection de l’homme et de son environnement contre les effets néfastes des rayonnements ionisants.

[2] Asahi Shimbun du 27 janvier 2012

[3] S. Casalonga, Journal de l’environnement, 23 juin 2009

[4] « Childhood leukemia around French nuclear power plants - the Geocap study, 2002-2007 » Claire Sermage-Faure, Dominique Laurier, Stéphanie Goujon-Bellec (et al.), International journal of cancer, 2012/01/05

[5] Alexey Yablokov Annals of the New York Academy of Sciences, (2010)

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