La gauche militante dans son ensemble est travaillée par un mouvement profond de remise en cause, de questionnement, de recherche de nouveaux possibles. Il ne faut pas s’arrêter à l’écume des choses, à la répétition impuissante des listes électorales, au pratico-inerte des rites institutionnels. De toute évidence, le chemin sera encore long mais il y a beaucoup de camarades qui veulent, pour le moins, faire autre chose que l’aller- et-retour aux élections, aux référendums perdus et aux initiatives vaincues, dans les urnes ou dans les faits.
Avec ces camarades il faut rechercher immédiatement des convergences sur le seul terrain qui vaille, celui de la lutte, du travail pour l’auto-organisation populaire. Certes, une politique de convergence ne résout pas la question de la contradiction centrale entre politique de délégation et politique de libération. Il faut donc d’un côté mener le débat avec rigueur et cohérence, l’approfondir sans cesse, et de l’autre, intervenir pour construire tous les processus d’organisation et de lutte qui font monter la résistance. C’est une situation de tension, de déséquilibre, d’instabilité mais aussi de création, un vrai processus de travail politique. Il faut l’assumer et le gérer pour faire lever un mouvement politique de masse.
Qu’une vocation gouvernementale aussi massive soit un petit truc tactique pour essayer de sauver un groupe parlementaire au Grand conseil, fortement menacé, est un fait reconnu. Qu’il faille 5 candidat-e-s pour donner à chaque nuance de l’âme électoraliste de l’extrême gauche une présence dans le jeu des institutions est somme attendu. Que tout ceci se conclue par un appel à voter au second tour pour le social-écolo-libéralisme afin de « barrer la route » du Conseil d’Etat à cette droite avec qui la gauche d’Etat gouverne et gouvernera tous les jours, est un coup de dé à la fois pipé et déjà joué, sans doute. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette pauvre mise en scène. Porter le fer de la critique sur cette politique désespérément et platement institutionnelle est indispensable mais tout à fait insuffisant.
Avec ces camarades il faut rechercher immédiatement des convergences sur le seul terrain qui vaille, celui de la lutte, du travail pour l’auto-organisation populaire. Certes, une politique de convergence ne résout pas la question de la contradiction centrale entre politique de délégation et politique de libération. Il faut donc d’un côté mener le débat avec rigueur et cohérence, l’approfondir sans cesse, et de l’autre, intervenir pour construire tous les processus d’organisation et de lutte qui font monter la résistance. C’est une situation de tension, de déséquilibre, d’instabilité mais aussi de création, un vrai processus de travail politique. Il faut l’assumer et le gérer pour faire lever un mouvement politique de masse.
Celles et ceux d’en bas ont besoin de savoirs, de ressources, d’outils. Pour développer l’auto-organisation populaire il faut une aide initiale, une intervention première qui facilite son émergence et sa liaison avec d’autres luttes. Naturellement, l’intervention des collectifs militants doit se faire dans le sens de l’auto-émancipation, de la démocratie de base, de la prise en main des luttes par les gens eux-mêmes. L’auto-organisation des dominé-e-s appelle une intervention systématique de la gauche militante. Elle s’ancre sur la construction d’une infinité de points d’appui.
Le clivage dans la gauche militante réside précisément là : dans l’importance décisive ou subalterne attribuée à l’engagement aux côtés des luttes, dans l’intervention systématique pour faire monter l’auto-émancipation.
Un tel engagement implique naturellement de ne pas soumettre l’action politique à la conception selon laquelle les besoins, les aspirations, et les revendications des classes populaires et des groupes sociaux dominés doivent être compatible avec le développement général du système, avec le capitalisme mondialisé, avec le rapport à la politique porté par l’Etat. Il nous faut une autre politique que celle des élites et des privilégiés-es. Une autre démocratie est possible que celle appauvrie à l’extrême de la figuration, de la délégation et de la représentation.
A n’en pas douter, ce danger existe et il est permanent. Mais la guerre sociale rampante que le capitalisme, les appareils étatiques et les différents centres de pouvoir du système nous livrent exige que nous fassions un pari. C’est celui de la convergence entre tous les collectifs qui affirment vouloir s’engager dans l’action militante. Une telle tentative ne réduit pas la contradiction entre celles et ceux qui mettent au premier plan l’auto-émancipation des classes populaires et celles et ceux qui prétendent combiner auto-organisation et activité politique institutionnelle. Qu’une partie des collectifs affirme une volonté de lutte (au moins formellement proclamée) et développe parallèlement une pratique politique institutionnelle exprime une contradiction qui sera pleinement posée et sans doute résolue dans le cours de la lutte. Mais le moment historique et urgent. Nous ne pouvons attendre pour accumuler toutes les forces possibles que toutes les questions théoriques et idéologiques soient tranchées. Il faut oser vivre et lutter avec des contradictions et donner tout l’espace possible à l’intervention commune, à la richesse et à la qualité des convergences.
Nous savons toutes et tous quels sont les grands éléments d’un projet alternatif à ce qui est : l’autogestion, la démocratie radicale, l’égalité, le droit à l’expérimentation, les libertés individuelles et collectives, l’émancipation générale, la construction systématique du pouvoir populaire.
Sur ces objectifs de larges franges de la gauche militante disent converger et convergent, partiellement et contradictoirement, sans doute. Il faut éprouver cette convergence dans l’action, dans la construction d’outils et de culture de résistance, dans l’affirmation de projets alternatifs au système, dans l’ouverture d’un débat large et profond sur une conception alternative d’ensemble, en interaction avec les expériences, les conceptions et les savoirs dont les luttes sont porteuses.
Il faut laisser tous les candidats-es courir à leur candidature. Il faut rassembler en un pôle des luttes toutes celles et tous ceux qui veulent intervenir pour faire lever les résistances. Et tant pis s’il y a des gens ou des organisations qui sont divisés dans leur têtes et dans leur faire. Il y a urgence. Cela se tranchera dans l’action et le débat. Des deux octobres, il n’en restera qu’un. Et gageons que cette fois ce ne sera pas celui des commissaires et des tchékistes.
L’urgence c’est la lutte. Regrouper celles et ceux qui veulent agir, faire monter le niveau d’organisation, multiplier des points d’appui pour les résistances qui s’affirment, accroître les mobilisations, définir nos besoins, nos revendications, nos aspirations. Pour emprunter cette voie, nous devons d’abord être au clair sur le fait qu’il y a d’autres possibles que cette situation que le pouvoir nous dit inévitable et incontournable. Ouvrir sur de nouveaux possibles dépend de notre action et exclusivement d’elle. Aucun organisme gouvernemental, aucun Etat, aucune institution censée incarner l’intérêt général et le faire aboutir, rien de tout cela ne nous permettra d’avancer.
La période historique en cours nous indique, avec chaque jour plus de force, que toutes les fractions de la classe politique et des groupes bureaucratiques qui gèrent le système partagent fondamentalement une même orientation : permettre l’accumulation illimitée de profit et de pouvoir aux mains des privilégié-e-s, quel qu’en soit le prix.
C’est une grande illusion de croire que les appareils étatiques, du local au transnational, peuvent être employé pour redresser la situation que nous subissons et pour construire des politiques alternatives, orientées vers le bien commun. L’Etat est considéré par ces fractions de la gauche anti-libérale et parfois anti-capitaliste tout à la fois comme un lieu qui peut être investi à partir de succès électoraux et comme un outil neutre qui peut être utilisé pour changer l’ordre social et politique.
Cette conception est radicalement fausse, elle est illusoire. Certes, les organismes étatiques sous la pression des luttes, des mobilisations, des grands de mouvement d’opinions peuvent être amenés à prendre certaines décisions, à opérer certains choix. Mais la puissance qui les oblige à agir en ce sens leur est extérieure, c’est celle des sujets qui luttent pour améliorer leur vie, conquérir de l’émancipation, avancer vers la libération. C’est l’action directe populaire, la politique de libération qui sont décisives.
Dans la période de capitalisme globalisé que nous connaissons, quand tous les acquis populaires sont attaqués, la politique institutionnelle perd rapidement de ses capacités de garantie, de défense et de réforme. L’Etat incarne de moins en moins une politique qui permette et suscite le compromis social.
La démocratie limitée de la délégation et de la représentation, flanquée de sa misère médiatique et sondagière, est censée garantir la légitimité du système. Elle dissimule mal un régime oligarchique où le pouvoir séparé maintient à peine quelques droits fondamentaux en matière d’expression et d’association. Ces droits sont de plus en plus contraints, de plus en plus réduits, proclamations de pure forme, chaque jour davantage harcelés jusqu’à en faire des fétiches d’une histoire démocratique devenue une pauvre image grise.
Les représentés-es n’ont au fond aucun autre pouvoir que de choisir des représentant-e-s. Les dirigeant-e-s, quelle que soit leur étiquette politique formelle, ne proposent que les diverses nuances d’une seule et même politique. Les marges de changement, de réforme ou d’amélioration sont érodées, ruinées.
Le pouvoir exécutif l’emporte largement sur le pouvoir parlementaire et les organes de gouvernement agissent de manière de plus en plus discrétionnaire, portés par des majorités parlementaires qui multiplient les mesures de droit d’exception et plébiscitent l’action gouvernementale quelle qu’elle soit. Les parlements deviennent des chambres d’enregistrement. Les organes gouvernementaux, à leur tour, se soumettent aux décisions des centres de pouvoir transnationaux qui définissent les stratégies et les conditions de la valorisation du capital. La classe politique, la bureaucratie et la bourgeoisie classique s’agrègent en un bloc dominant où les gestionnaires et les décideurs passent et repassent du public au privé et vice-versa.
Même le misérable choix d’avoir à opter pour Papandréou ou Angela Merkel est exclu du spectacle. La règle c’est d’avoir tout à la fois Sarkozi, Orban, Zapatero, Hollande, Merkel, Rajoy et Cameron, dans le même paquet.
A tous les niveaux du pouvoir, ces exécutifs prétendent incarner une politique d’intérêt général ou d’intérêt public. Participer à leur désignation, courir aux élections pour obtenir des municipaux/ales ou des ministres revient, à vrai dire, à cautionner la triple fiction d’un Etat qui représenterait l’intérêt général, constituerait un outillage neutre et pourrait assurer une politique sensiblement différente de celle que nous connaissons moyennant son investissement par une majorité parlementaire nouvelle. Ce n’est pas de la modeste rhétorique parlementaire et de ses rhizomes oratoires. C’est d’être ministre qu’il s’agit, de procéder à la saignée et de faire avaler la potion.
Comme de surcroît, la forme générale revendiquée dans ce pays est un partage du pouvoir proportionnel au capital électoral de chaque parti, le spectacle d’un Etat, agissant au-dessus des intérêts particuliers, s’en trouve davantage proclamée. A tel point que les politiciens-ennes gouvernants-es ou candidats à la gouvernature font, dans l’immense majorité des cas, un gigantesque effort pour ne revendiquer aucun signe d’identité politique.
On ne le répétera jamais assez. L’idée qu’il suffirait de voter et de confier aux institutions étatiques existantes la réalisation de nos revendications et de nos besoins est une pure illusion. C’est une illusion d’autant plus dangereuse qu’elle construit une culture politique qui réduit l’intervention des gens à une pure et simple délégation. Les classes populaires abdiquent ainsi leur puissance, leur capacité effective à faire changer les choses. Qu’il y ait crise de la démocratie représentative et affirmation chaque jour plus forte d’un pouvoir oligarchique est chose connue et reconnue. Mais du moins, dans les pays qui nous entourent, la gauche institutionnelle soutient-elle la petite comédie de l’alternance, sa légitimité à gouverner de manière un peu différente de celle que revendique la droite néo-libérale ou conservatrice.
Ici, pas même cela. La gauche institutionnelle accepte le programme commun avec la droite, le met en pratique, le réalise à tous les niveaux de l’Etat. La liquidation de ce qui fut autrefois la gauche institutionnelle et réformiste est engagée ici plus fortement que partout ailleurs.
Autant nous avons une différence fondamentale avec les gauches étatistes sur l’envergure du choix entre délégation et auto-émancipation, autant cette différence est portée à son plus haut degré par la revendication d’une intégration à l’instance gouvernementale, au noyau dur de la pratique du pouvoir.
Comme nous l’avons souvent dit, ce qui est décisif et urgent c’est la lutte. Il est possible de faire ensemble ce que nous luttons ensemble, rien d’autre. Sur tout le reste, il faut mener la confrontation, construire une critique claire, permanente et sans compromis de l’action politique institutionnelle.
L’auto-émancipation n’est pas une invocation rituelle, c’est un processus de travail concret dans lequel il faut s’engager. La lutte est première. Et les conditions de la convergence pour dégager une gauche militante et pouvoir lutter ensemble sont simples : indépendance totale face au pouvoir étatique ; indépendance totale face au social-libéralisme ; refus d’accepter une situation subalterne dans son dispositif stratégique ; construction systématique de l’organisation et de l’autonomie populaire pour affirmer les besoins et les aspirations d’émancipation et de libération des majorités sociales exploitées et dominées. Tout point de convergence dans cette voie, aussi modeste soit-il, doit être mis à profit pour avancer.
Il faut dès maintenant commencer à construire les éléments d’unité militante dans la lutte, faire face sur les lieux de travail et de formation, affronter la précarité et la dureté des condition d’existence sous toutes leurs formes. Cela signifie construire systématiquement, tactiquement et stratégiquement, l’organisation populaire.
L’intervention militante aide à faire surgir de la puissance et du contre-pouvoir. Elle agrège, elle socialise, elle créé de la solidarité. Elle permet de reprendre prise sur ce monde qui semble nous échapper pour n’obéir qu’au pouvoir des dominants ou à des fatalités incontournables. A terme, il s’agit de construire un mouvement socio-politique large, capable d’affronter la guerre sociale que la bourgeoisie et l’appareil d’Etat nous livrent.
L’action militante unitaire permet de rassembler. Elle appelle le débat sur les grandes revendications de portées stratégique contre le système et sur le contenu de l’alternative qu’il faut lui opposer.
Quels que soient les exécutifs et les gouvernements que nous avons en face de nous, ce sont les luttes et l’organisation populaire qui sont décisifs pour créer un rapport de force. Il y a un décalage évident entre le discours politique de conjoncture électorale et une politique de libération qui choisit de mettre les forces dans l’organisation des classes populaires, pour la construction systématique d’une présence sur le terrain.
Pour l’OSL, la politique de libération se développe à partir d’une stratégie extra-parlementaire, basée sur l’action directe populaire, portée par une intervention collective dans les mouvements sociaux.
La construction systématique de cette puissance de celles et ceux d’en bas permet d’avancer vers la constitution de contre-pouvoirs autonomes des institutions bourgeoise. Elle fait lever le pouvoir populaire.
Nous savons qu’il y a des camarades, des collectifs qui pensent qu’il est possible de parcourir en même temps les deux voies : une présence, présentée comme critique, dans les institutions et une participation au mouvement des luttes, vers l’auto-émancipation. A terme, et plus rapidement qu’on ne le suppose sans doute, il faudra choisir.
Pour nous, la lutte et les convergences qui l’impulsent sont premières. Comme nous l’avons dit et redit, il faut fédérer et unir dès maintenant toutes celles et tous ceux qui veulent se situer et agir sur le terrain des luttes. Au fond, c’est dans les mouvements et les mobilisations que les choses se régleront. La participation rituelle aux cérémonies électorales du pouvoir oligarchique doit autant faire l’objet d’un débat entre libertaires et étatistes que d’une confrontation au sein même des collectifs qui sont ou ont été les tenants d’une politique dominées par la représentation et la délégation, même quand elle se prétend radicale ou révolutionnaire. Encore un effort pour être révolutionnaire, camarades. Entre octobre et octobre il faut choisir.