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Banque Centrale Européenne : Un monstre incontrôlable

category international | Économie | opinion / analyse author Saturday June 06, 2009 04:35author by Vincent Nakash Report this post to the editors

La Banque Centrale Européenne (BCE) est responsable de la politique monétaire dans la zone euro. Son action est pourtant très largement ignorée des médias. À l’aube des élections européennes, une piqûre de rappel est donc nécessaire.

Depuis le début de la crise, l’attention est focalisée sur les plans de sauvetage ou de relance budgétaire impulsés par les gouvernements. On oublie ainsi que les banques centrales, en charge de la politique monétaire, ont un pouvoir au moins aussi grand que les gouvernements sur l’économie, l’emploi et donc sur les espoirs de sortie de crise. En effet, les banques centrales contrôlent les investissements, via les taux d’intérêt, et les exports, via le taux de change. La baisse des taux d’intérêt rend le crédit moins cher et favorise les investissements des entreprises comme la consommation des particuliers. Elle permet donc de relancer la croissance et l’emploi quand ceux-ci sont en perte de vitesse, et particulièrement dans le contexte actuel de crise bancaire, qui raréfie le crédit. C’est pour cela que les gouvernements s’affairent à prêter des quantités astronomiques aux banques. C’est la même raison qui pousse les banques centrales à baisser leurs taux d’intérêt.

Or, tandis que la Fed (banque centrale américaine) et la Banque d’Angleterre ont abaissé leurs taux à presque 0 %, la BCE les a seulement baissé à 1,25 %. Outre les effets sur le crédit, ces différences d’attitude entre les grandes banques centrales causent une augmentation de la valeur de l’euro face au dollar et à la livre, ce qui handicape les exports européens.

Une idéologie destructrice

Ainsi, la BCE conduit une politique défavorable pour l’emploi. Pourquoi ? À cause de son attachement monomaniaque à la stabilité des prix (donc à la lutte contre l’inflation), qui constitue le seul objectif statutaire, défini par les traités européens, de la BCE (en comparaison, la Fed a pour objectifs la stabilité des prix et le plein emploi). Or, baisser les taux d’intérêt revient à créer davantage de monnaie (en augmentant le crédit, qui est lui-même de la création monétaire), et la création de monnaie, si elle soutient l’activité et l’emploi à court terme, est supposée n’engendrer que de l’inflation à long terme. D’où la baisse parcimonieuse des taux d’intérêt.

Pourtant, cette peur de l’inflation est aujourd’hui irrationnelle car la crise engendre plutôt une situation de désinflation (baisse du rythme auquel les prix augmentent) susceptible de basculer dans la déflation (baisse des prix). La politique de la BCE consiste donc à sacrifier aujourd’hui la vie des travailleurs et des travailleuses pour éviter une hypothétique augmentation des prix demain.

Une indépendance injustifiable

Ce choix est d’autant plus contestable que les traités européens accordent à la BCE un statut indépendant, les citoyens n’ayant par conséquent aucun contrôle sur elle. Certes, ils n’ont guère de contrôle sur les gouvernements non plus, mais dans le cas de la BCE, cette indépendance est officielle et cyniquement justifiée par les économistes. Le raisonnement est le suivant : plus une banque centrale est indépendante, moins l’inflation est élevée. En effet, lorsque la politique monétaire est sous le contrôle du gouvernement, celui-ci est susceptible de se laisser influencer par la volonté irresponsable du peuple de vivre le moins mal possible. Pour se prémunir de ces tendances, qualifiées de « populistes », et faire le bien du peuple malgré lui, il faut donc rendre les banques centrales indépendantes.

Couplée à l’objectif unique de stabilité des prix, obstacle à la baisse des taux d’intérêt et à la création de monnaie pour la prêter aux États (ce qui permettrait de rembourser gratuitement la dette publique), cette indépendance prouve le caractère ubuesque de l’Union Européenne, qui a créé un monstre incontrôlé et incontrôlable par principe, prêt à sacrifier la vie de centaines de millions de personnes sur l’autel du capitalisme. À l’aube des élections européennes, ce constat est édifiant. Il montre que les parlementaires européens ne sont là que pour servir de caution démocratique à une Union qui ne l’est pas, dans ses fondements mêmes.

Vincent Nakash (AL Paris-Sud)

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