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Le G20 ne changera rien !

category international | Économie | opinion / analyse author Tuesday April 07, 2009 02:49author by Vincent Nakash - Alternative Libertaire Report this post to the editors

Les pays du G20 se sont réunis le 2 avril à Londres, sous les huées des milliers de manifestant-e-s massé-e-s (et matraqué-e-s) à l’extérieur. A la sortie, l’auto-congratulation était de rigueur. Pourtant, à en juger par les résultats, il n’y avait vraiment pas de quoi. Des deux enjeux majeurs du sommet, la relance mondiale et la régulation du système financier, aucun n’a été satisfait.

Pour la relance mondiale concertée qu’on nous annonçait à grand fracas dans les jours précédents le sommet, on attendait l’organisation de la coordination des politiques de relance budgétaire des différents pays. Mais incapables de se mettre d’accord, les pays du G20 ont préféré botter en touche, et faire reposer la responsabilité d’une pseudo-relance mondiale sur les institutions financières internationales, et notamment le Fonds Monétaire International (FMI), en lui accordant des centaines de milliards supplémentaires.

FMI ou affameur ?

Le FMI se trouve par là remis sur le devant de la scène et voit son blason redoré. Il était discrédité depuis des années pour ses politiques pudiquement nommées « d’ajustement structurel », qui consistaient en réalité dans le chantage conditionnant des prêts aux pays en difficulté à des réformes néolibérales. Au menu : anéantissement de l’Etat-Providence, privatisations, libre-échange, etc. Parmi les exploits du FMI, on trouve la banqueroute de l’Argentine en 2001. Augmenter la dotation du FMI, est-ce donc financer ce type de politiques criminelles ? On nous jure que non, que le FMI a changé, et même que Dominique Strauss-Kahn[1] est le défenseur des pays pauvres sur l’échiquier international. Mais le G20 s’est bien gardé de fixer, à côté de l’augmentation de ses moyens, les modalités de l’action du FMI. Si bien que la sauce à laquelle vont être mangés les pays pauvres touchés par la crise dépend du bon vouloir de cette organisation fantoche où la majorité des votes sont détenus par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Comme toujours, ce sont les pays riches qui vont décider du destin des pays pauvres…

Une régulation de carnaval

L’autre grand enjeu du G20, c’était la régulation du système financier. Sarkozy avait brandi ses petits poings avant le sommet pour prévenir qu’il quitterait la table si la réponse n’était pas à la hauteur des enjeux, notamment s’il n’obtenait pas « l’éradication » des paradis fiscaux. Après le sommet, il déclare que les résultats dépassent ses espérances. Pourtant, ici aussi, l’issue du sommet ressemble à une mauvaise plaisanterie.

Le G20 s’est contenté de renommer l’institution chargée de surveiller la finance mondiale, le « Conseil de Stabilité financière » remplaçant le « Forum » du même nom. Etant donnée l’incapacité de son prédécesseur à anticiper et lutter contre la crise actuelle, on se demande bien pourquoi ce nouveau Conseil ferait mieux dans le futur.

Dans la lutte contre les paradis fiscaux, le G20 a chargé l’OCDE de publier des listes (« noire » et « grise ») de paradis fiscaux « non-coopératifs » (comme si un paradis fiscal pouvait être coopératif sans cesser d’être un paradis fiscal). C’est totalement hypocrite : les listes en question évitent soigneusement de mentionner des paradis fiscaux comme l’état américain du Delaware ou la City londonienne, première place financière d’Europe, ou encore les places chinoises Hong-Kong et Macao. De plus, aucune mesure destinée à « l’éradication » des paradis fiscaux n’a été prise, seules de paisibles « sanctions » sont envisagées.

La régulation des marchés et institutions financières tels que les très dangereux « hedge funds » (fonds spéculatifs) est posée en principe mais les modalités pratiques de leur régulation ne sont pas définies. En conséquence, le contrôle concret de ces institutions ne dépendra que de la bonne volonté des pouvoirs publics nationaux, et l’on se demande bien pourquoi une réunion internationale comme le G20 s’est exprimé sur un sujet qui demeurera du ressort des nations, et l’on imagine mal des pays comme la Grande-Bretagne lever le petit doigt pour réguler les marchés.

La régulation de la rémunération des traders est du même acabit, et se réduit à une déclaration de bonnes intentions dont il y a fort à parier qu’elle ne sera jamais appliquée. Ici encore, l’hypocrisie est de rigueur.

En bref, tous ces écrans de fumée ne changeront vraiment pas grand chose à la conduite de la finance mondiale, qui pourra continuer d’engranger les milliards, jusqu’à la prochaine crise. La montée brutale et irrationnelle des bourses au lendemain du sommet montre avec force que rien n’a changé.

Nouvel ordre mondial ?

Enfin, le G20 a rendu un vibrant hommage au libre-échange et stigmatisé le protectionnisme. En réalité, 17 des pays représentés ont déjà pris des mesures protectionnistes plus ou moins dissimulées. D’ailleurs le principe même du libre-échange dans sa version actuelle est de s’appliquer aux petits mais pas aux gros. Ainsi, les accords de libre-échange sont systématiquement bafoués par les pays les plus riches. On peut penser par exemple aux subventions à l’agriculture de l’Europe ou des Etats-Unis, qui permettent d’envahir les marchés africains et de tuer l’agriculture vivrière locale. Le communiqué commun a donc beau appeler à conclure le cycle de Doha, qui conduirait à interdire de telles subventions, les pays concernés n’ont certainement aucun intention d’accepter ça. Tout ce qu’on peut voir dans les résultats de ce sommet, c’est donc, encore une fois, beaucoup d’hypocrisie et la volonté pathétique de rester fidèle dans les mots à une idéologie qu’on bafoue dans les faits.

De quel droit une poignée de pays, sous prétexte qu’ils sont riches, s’arrogent-ils le droit de décider de l’avenir de la planète ? Déjà responsables d’une crise qui touche durement les pays les plus pauvres, les pays riches prennent maintenant, sans les consulter, des décisions qui engagent ces pays. Ce G20 est donc d’abord le signe du mépris total d’une partie de la planète pour l’autre. Le « nouvel ordre mondial » qu’on nous annonce ressemble fâcheusement à l’ancien. Seuls quelques nouveaux élus ont réussi à se faire une place, comme la Chine. Mais la structure fondamentale de l’ordre mondial, où une poignée de puissants écrase les faibles par ses crises ou les remèdes censés y remédier, n’a pas été remise en cause par ce sommet.

Vincent Nakash (Alternative Libertaire)

[1] Directeur général du FMI depuis 2007

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